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Les Haïdas avaient plusieurs jeux de hasard populaires, et on jouait volontiers dès qu'il y avait un temps mort dans une activité sociale. Il existait ainsi un jeu de bâtonnets. Les minces bâtonnets étaient faits à la hâte et jamais décorés, de sorte qu'ils n'étaient pas recherchés par les collectionneurs et qu'on ne trouve aucun spécimen dans les musées.
Un autre jeu se jouait avec trois ensembles de bâtonnets baptisés de noms de divers animaux ou oiseaux, lesquels, selon Charles F. Newcombe, n'étaient connus que du propriétaire et de sa famille. Les bâtonnets comportent des anneaux et des marques en spirale pour les distinguer, mais les ensembles les plus richement décorés sont à eux seuls de véritables expositions d'art haïda. On peut en effet y trouver plus d'une cinquantaine de motifs. Les bâtonnets étaient faits de bois d'érable dur et ornés de sculptures, de dessins et de pyrogravures réalisées avec une pointe portée au rouge; beaucoup étaient incrustés de coquilles d'haliotide ou de cuivre. La gravure de motifs à l'aide d'une pointe portée au rouge exigeait des artistes haïdas la maîtrise de différentes techniques, défi qu'ils relevaient admirablement. Les dessins sont difficiles à apprécier au premier coup d'œil, car ils entourent complètement les bâtonnets, qu'il faut faire tourner lentement pour les révéler entièrement. Certains comportent des figures de chaman qui sautent, à la manière d'un dessin animé; en faisant tourner le bâtonnet, on voit se succéder des chamans. Les oiseaux en plein vol sont également courants, ainsi que les épaulards bondissants.
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Ensemble de bâtonnets à jouer haïdas ornés d'images pyrogravées représentant des emblèmes. Ils étaient conservés dans le sac en peau de daim peint.
Recueillis en 1905 à Gitlaxdimiks, village de la rivière Nass, par Charles F. Newcombe.
MCC VII-C-142 (S92-4313) |
Il existe aussi des dizaines de spécimens de scènes très complexes telles que des groupes de guerriers dans des pirogues, des chasseurs de loutre de mer à l'œuvre, ou des pêcheurs avec leurs prises -- chaque composition ne faisant pas plus de 2 cm de longueur en tout. Ces pièces de jeu semblent avoir constitué le seul exutoire pour l'artiste haïda qui souhaitait représenter la réalité. Les dessins d'une demi-douzaine d'ensembles de bâtonnets décorés ont été publiés par Franz Boas, Swanton et d'autres, mais beaucoup n'ont pas encore été étudiés. George T. Emmons a méticuleusement consigné les identifications fournies par le propriétaire tlingit d'un ensemble complet de bâtonnets qui se trouve maintenant au National Museum of the American Indian.
On jouait avec ces bâtonnets sur un tapis de cuir spécial souvent orné d'images peintes ou pyrogravées qui semblent être des emblèmes. Cela est opportun puisqu'on considère généralement que les emblèmes apportent de la chance à ceux qui ont hérité le droit de les utiliser.
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