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Les Haïdas étaient divisés en deux groupes sociaux, ou moitiés, appelés Corbeau et Aigle. La moitié du Corbeau était subdivisée en vingt-deux lignages, ou familles, et la moitié de l'Aigle en vingt-trois lignages; les lignages n'étaient pas regroupés en clans. D'après John R. Swanton, «jadis, chaque localité n'était habitée que par une seule famille», mais à l'époque historique, dans tous les villages on trouvait des représentants de plusieurs lignages, et il y avait au sein de la plupart d'entre eux des membres des deux moitiés. Les mariages devaient se conclure entre Aigles et Corbeaux, plutôt qu'entre personnes appartenant à la même moitié, et les enfants devenaient membres de la moitié de leur mère.
Chaque lignage donnait droit à ses membres à un éventail de ressources économiques telles que des lieux de pêche, des zones de chasse ou de cueillette, et des maisons. Parmi les autres prérogatives figuraient les droits à une pléthore de mythes et de légendes, à des danses, des chants et des œuvres musicales. Les noms étaient un bien lignager très convoité et étaient conférés afin de marquer différentes étapes de la vie des gens. On attribuait également des noms à d'importantes possessions matérielles telles que des pièges à poisson, des maisons, des pirogues, des plats de festin, et même des cuillers de festin. Les peintures faciales et les motifs de tatouage étaient aussi des biens lignagers, ainsi que tous les emblèmes (Swanton en énumère plus de soixante-dix).
Chaque ménage, qui comprenait en moyenne de trente à quarante personnes (une dizaine de familles nucléaires étroitement apparentées appartenant à un même lignage), avait à sa tête un chef. Les maisons des chefs puissants étaient grandes, pouvant abriter jusqu'à cent personnes, y compris des esclaves. Chaque lignage reconnaissait aussi l'autorité d'un chef pouvant être chef de guerre en période de conflit. Le chef du village était le chef du lignage le plus riche ou le plus nombreux de ce village, mais on changeait parfois de chef en fonction de la fortune générale du lignage ou en raison du respect inspiré par un chef donné. Au cours du siècle dernier, par exemple, il y eut une intense rivalité entre le chef Ninsingwas et le chef Skidegate. Newton H. Chittenden, un arpenteur du gouvernement provincial de Colombie-Britannique, a écrit : «Ils se sont longtemps âprement disputés à propos de leur rang, Ning- Ging-Wash ayant finalement eu le dessus grâce à sa plus grande prodigalité dans les potlatchs, mais uniquement après que deux de leurs partisans eurent été tués.»
Le rang de chef était transmis matrilinéairement, généralement au fils de la soeur aînée d'un chef. Les positions obtenues par héritage déterminaient l'ordre dans lequel les chefs ou les personnes de haut rang s'asseyaient lors des potlatchs et des festins. Ceux pour lesquels on n'avait pas donné de potlatch, ou qui ne possédaient ni maison ni biens importants, étaient considérés comme des gens du commun. Les Haïdas possédaient également des esclaves, qui étaient des prisonniers de guerre ou les enfants de prisonniers, souvent enlevés dans des tribus voisines de l'île de Vancouver ou du continent.
Le potlatch, qui était la cérémonie haïda la plus importante, accompagnait l'ascension des personnes de haut rang dans l'échelle sociale, marquant l'attribution de noms, les mariages et les décès. Des années de préparation étaient nécessaires pour accumuler la nourriture que l'on offrirait aux invités et la richesse pour distribuer des cadeaux afin de rétribuer les témoins de l'événement. La construction d'une maison et l'érection d'un mât de façade étaient habituellement l'occasion du plus grand potlatch que donnait un chef au cours de toute sa vie.
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