« Écartement du canot »
D'après une peinture à l'acrylique de 16 po x 24 po par Bill Holm © 1992
Collection de Bruce et Linda Colasurdo

Les peuples de la côte du Nord-Ouest fabriquaient des canots merveilleusement conçus de tailles et de formes diverses qu'ils taillaient à même des billots solides, habituellement de genévrier rouge, mais dans certaines régions, d'épinette de Sitka ou de peuplier deltoïde. Ces embarcations étaient généralement élargies jusqu'à dépasser le diamètre original du billot; pour ce faire, on écartait les côtés auparavant ramollis à la vapeur. L'écartement ne suffit pas simplement à élargir le canot : le procédé provoque des modifications de forme fondamentales sur toute la longueur la coque, facteur dont l'artisan doit tenir compte lorsqu'il taille le billot. Les plats-bords droits et égaux courbent vers le bas et l'extérieur tandis que les extrémités remontent, le tout formant une tonture gracieuse, aboutissement de la transformation d'un tronc étroit et rigide en une élégante embarcation.

Pour qu'il soit possible de les écarter sans qu'elles fendent, les parois de la coque sont remarquablement minces (par exemple, celles du canot haïda de 62 pieds qui se trouve à l'American Museum of Natural History ne mesurent que trois-quarts de pouce d'épaisseur). Une fois la coque complètement façonnée, on verse environ six pouces d'eau dans le fond et on la fait bouillir au moyen de pierres chauffées à rouge. La vapeur qui se dégage de ce procédé est emprisonnée dans la coque au moyen de paillasses. Les pierres sont remplacées à mesure qu'elles refroidissent, pour entretenir l'ébullition. Les parois ramollies, chauffées à la vapeur de l'intérieur et par des feus de l'extérieur, commencent alors à gonfler, sous l'effet notamment de l'eau et des pierres qui exercent une pression au centre. Des bâtons sont introduits entre les plats-bords à coups de maillet. On déplace ces premiers bâtons vers les extrémités à mesure que les parois s'écartent et on introduit à leur place, au centre, des bâtons plus longs. Lorsque la courbure et la forme prévues sont atteintes, on laisse refroidir le canot, on en vide l'eau, on dégage les blocs des bancs, de la proue et de la poupe et les coiffes des plats-bords sont mesurées et fixées en place. Les grands canots de haute mer ou de guerre étaient souvent peints de motifs ayant rapport avec les noms des embarcations ou avec les blasons de leur propriétaire.

Cette image représente un canot haïda de taille moyenne qui a presque atteint sa largeur finale; un dernier chargement de pierres chauffées sert à ramollir définitivement la coque. Lorsqu'on soulève une paillasse, la vapeur se dégage en grands nuages qui cachent en partie les grandes maisons de planches ornées de mâts frontaux massifs qui sont érigées sur la dune au bord de la plage. Les fabricants de canots haïdas étaient très respectés et leur œuvre était très recherchée à l'échelle de la côte du Nord-Ouest. Ce canot est peut-être destiné à franchir le passage de Hecate avant d'être échangé à la rivière Nass contre de la graisse d'eulachon, des cornes de mouflon ou d'autres produits du continent qui sont introuvables dans les îles de la Reine-Charlotte.



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