"Soleil, lune et étoile" (Tl!isalabalis, Makwalabalis, T!ot!obalis) est l'un de nombreux personnages familiers du peuple kwakwaka'wakw qui sont créés en manipulant un bout de ficelle entre les doigts. Les techniques de création de «personnages en ficelle» sont connues dans le monde entier et dans certaines cultures de l'Amérique du Nord, comme celles des Esquimau et des Navajo par exemple, le répertoire est prodigieux. Chez les Kwakwaka'wakws, il varie de simples créations exécutées en un mouvement, comme la «puce de mer qui saute», à des illustrations complexes souvent accompagnées d'un dialogue ou d'une chanson qui raconte comment le petit frère dépasse son aîné, une vieille femme croise une rivière, un canot se renverse et l'équipage se retrouve à l'eau, des saumons sautent d'un ruisseau à l'autre dans l'anse Knight et ainsi de suite. Certaines créations illustrent des mythes tandis que d'autres sont mues par la concurrence, c'est-à-dire par le désir de supplanter d'autres adeptes de la création de figures en ficelle.
Feu Mungo Martin, le chef kwakwaka'wakw, et son épouse Abayah, étaient experts et mon épouse, Marty, et moi-même avons passé d'innombrables soirées qui se sont prolongées tard dans la nuit à tenter d'imiter les mouvements gracieux et rythmés qui insufflent la vie à un bout de ficelle. Une des premières figures compliquées que nous avons apprise est Soleil, lune et étoile. Abayah était particulièrement adroite et j'ai tenté de la représenter ici en train de former les boucles de ce personnage. On voit derrière elle deux vieilles photos, l'une prise par Edward Curtis et qui montre une jeune Tl!akwagilayugwa (nom de noblesse d'Abayah) habillée en danseur du temps. L'autre photographie est un cliché de la famille d'Abayah alors qu'elle avait environ deux ans et sur lequel on la voit tenir le grand cuivre de son père.