Ce qui suit est une ébauche de l'histoire culturelle de la
région depuis 4 000 jusqu'à 1 000 avant J.-C.
Dans cet ouvrage, on considère que la diffusion de la technologie
et des autres secteurs culturels sont principalement responsables du
changement culturel de préférence au remplacement des
populations qui repose sur l'invasion, le déplacement ou
l'absorption des peuples antérieurs. À notre opinion,
les gestes techniques, notamment la préparation des
nucléus à microlames, revêtent une signification
relative et non absolue face à la classification culturelle.
En d'autres mots, la présence ou l'absence d'un tel
élément technique fournit en soi une base insuffisante pour
signaler des événements majeurs dans le domaine de
l'histoire culturelle. Tous les secteurs d'une culture devraient
être pris en considération dans toute reconstitution
historique des cultures et non seulement des éléments
tirés d'un seul secteur, par exemple la technologie. Ceci dit,
on admet volontiers que le terrain est fertile en débats; ce qui
suit n'est que la perception d'une personne. Pour une considération
succincte des problèmes auxquels doivent faire face les
rédacteurs de synthèses relatives à
l'archéologie du plateau canadien, voir Richards and Rousseau
(1987).
Les Platéliens moyens sont les descendants des Platéliens
anciens. Vers 4 000 avant J.-C. ou un peu auparavant, un changement
graduel touchant le mode de subsistance/établissement
correspondant à une économie saisonnière
centrée sur le saumon conjointement avec l'introduction du
propulseur depuis l'est et/ou le sud, a entraîné des
changements reliés à l'ensemble de la culture.
Contrairement à l'opinion préconisant une continuité
culturelle adoptée dans cet ouvrage, une synthèse
récente de l'archéologie du plateau a vu dans ces
changements le témoignage de l'intrusion d'une population qui,
remontant le fleuve Fraser à partir de la côte sans
être adaptée à la pêche au saumon,
n'était pas apparentée au Platélien ancien dont
elle a remplacé les descendants (Stryd and Rousseau :
Sous presse). Le
développement de la tradition Pithouse du plateau vers 2 500
avant J.-C. comportant des village de maisons semi-souterraines
près des rivières et la pratique d'emmagasiner le saumon
correspond à un horizon culturel sur le plateau canadien.
Reposant sur l'apparition des maisons semi-souterraines, cette
tradition comportant une série de trois horizons
(Richards and Rousseau 1987)
constitue une façon flexible de classifier l'enregistrement
archéologique mais ne justifie pas la recours à
l'intrusion d'une population. La continuité culturelle entre
le Platélien ancien et le Platélien moyen permet de
croire que le changement culturel était le fait d'un peuple
qui, indigène au plateau, adoptait lentement certaines
innovations dont un mode de subsistance-établissement qui
reposait sur le saumon. Cette transition vers des villages de
maisons semi-souterraines semble avoir constitué un long
processus. Contrairement à la controverse que suscitent les
origines du Platélien moyen, il semble y avoir consensus sur
le fait que le Platélien moyen constitue la base culturelle
dont est issu le peuple de langues salish que les Européens
ont rencontré au début du 19e
siècle.
Il faut admettre que le Platélien moyen est une reconstitution
mal définie. La partie ancienne du développement
culturel n'a pas été identifiée dans les
régions voisines d'Okanagan et d'Arrow Lakes du centre-sud
de la Colombie-Britannique. Dans la région de Kootenai, dans
le sud-est de la Colombie-Britannique, l'enregistrement
archéologique est, à maints égards,
comparable à celui du Planussien moyen. Les renseignements
concernant la subsistance du Platélien moyen sont à
la fois limités et concentrés dans les principales
vallées fluviales. Alors que le saumon et le chevreuil
semblent avoir revêtu une très grande importance,
toutes les ressources ont été exploitées
depuis les moules d'eau douce jusqu'aux mouffettes,. Il est
impossible en ce moment d'évaluer le rôle de la
nourriture d'origine végétale qui était
pourtant si importante dans le régime alimentaire des
gens lors du contact avec les Européens. Vers 2 500 avant
J.-C., la subsistance a commencé à se concentrer de
plus en plus sur la récolte du saumon et d'autres poissons
anadromes
(Kuijt 1989). On a pensé
que le changement qui a affecté le mode de susbsistance
était relié à des facteurs environnementaux
notamment le climat de plus en plus frais et humide qui a fait
augmenter le niveau d'eau des rivières et qui, par
conséquent, a multiplié les zones de frai. L'usage
de la pierre locale pour le façonnage des outils indique
des communications limitées avec les cultures voisines. On
trouve des pièces en coquillage marin et en pierre exotique
mais elles sont extrêment rares. Ce n'est que vers le fin de
la Période III, au moment où l'importance
accordée au saumon a entraîné le changement
du mode d'établissement, que les communications avec
l'extérieur, particulièrement avec la côte,
deviennent évidentes.
Les archéologues uvrant sur la plateau canadien peuvent
percevoir certains des commentaires précédents comme
une critique personnelle mais ce n'est pas le cas. Rédiger une
synthèse reliée au plateau est une tâche
exceptionnellement difficile (Richards and Rousseau
1987). Les fouilles
archéologiques se sont généralement
concentrées sur les grands villages de maisons
semi-souterraines à occupation multiple situés dans les
vallées fluviales et ont nécessairement fourni un
échantillon biaisé. Le caractère extrême
de la topographie de la région aux ressources variables
requiert un mode d'établissement dispersé comportant
d'innombrables petits sites de campement provisoire et des
débris culturels limités. Le processus naturel de
sédimentation a oblitéré ou occulté
une bonne partie de l'ancien enregistrement archéologique.
Et, finalement, la topographie à caractère de
cul-de-sac de la région se prête à un degré
exceptionnel de régionalisme culturel. Ceci étant dit,
il y a eu une tendance à relier trop étroitement
l'histoire culturelle locale aux développements culturels de
la côte, des plaines, du sub-arctique et du plateau de
Colombia. Comme c'est le cas ailleurs, la reconstitution culturelle
et l'identification des cultures reposant sur une confiance excessive
eu égard à l'industrie des microlames et à la
typologie des pointes de projectile ont entraîné
inévitablement des interprétations
différentes.
À la période historique, la région était
occupée par les membres de la famille linguistique salish
(Kinkade and Suttles 1987).
Les exceptions étaient/sont une petite enclave de parlants Nicola
Eyak-Athapascan et le Kootenai ou Kootenay. Cependant, quant aux
parlants Kootenai, un lien "génétique
éloigné" avec le Salish
(Campbell and Mithun 1979 :
37-38) est possible. Les langues indiennes du nord-ouest de
l'Amérique du Nord, depuis le nord de l'Orégon jusqu'en
l'Alaska et au piémont à l'est des montagnes Rocheuses,
partagent plusieurs éléments linguistiques qui
témoignent d'ancêtres communs ou d'une convergence
d'éléments linguistiques en raison d'étroites
communications sur une longue période de temps. Du point de
vue de la linguistique, la situation est unique en Amérique
du Nord. L'hypothèse d'une population originelle
indigène qui change sa culture en raison d'une adoption
sélective d'innovations semble s'accorder avec le
témoignage linguistique. Une hypothèse d'une origine in
situ nierait le comportement atypique des chasseurs-cueilleurs eu
égard à la conquête territoriale que suppose
l'alternative de l'hypothèse de remplacement.
Il y a un large consensus sur le fait que l'événement
le plus important qui a affecté le développement du
Platélien moyen durant la Période III a été
la transition depuis l'état de peuple mobile de chasseurs
à l'état de résidents de villages semi-permanents
qui dépendaient de plus en plus du saumon entreposé
comme source première de nourriture en hiver
(Kuijt 1989). Cette
transition à la vie de village a commencé vers
2 000 avant J.-C.
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