Le territoire
Région de Beaufort
(deuxième partie)
par
David Morrison
Conservateur des collections des T.N.-O.
(District de Mackenzie)
Musée canadien des civilisations

La végétation

D'après les normes de l'Arctique, la végétation paraît particulièrement dense et entière, sauf sur les plages où le sol est évidemment dénudé (Mackay 1963: 164-173; Martell et al. 1984). Les régions basses et humides, spécialement près de la limite des arbres, tolèrent des saulaies presque impénétrables atteignant la hauteur des épaules, contrairement aux sommets secs des collines qui ne permettent la croissance que de quelques arbustes distancés. Les endroits dégagés et herbeux correspondent habituellement à la localisation d'anciennes maisons et de villages. Le sol perturbé par la gelée en porte de nombreuses marques telles que les caractéristiques "pingos". Ces grandes collines de plusieurs douzaines à plusieurs centaires de mètres de hauteur, dont le centre froid est formé de glace et dont le sommet en creuset leur donnent une allure de volcans. Ils sont plus nombreux dans la région de la péninsule de Tuktoyaktuk (où il y en des milliers) que partout ailleurs sur la terre (Mackay 1963: 65-94).

Les ressources fauniques

L'Arctique occidental est très riche en ressources (Martell et al. 1984). Parmi les plus importantes ressources, on compte les bélugas, petites baleines blanches circompolaires d'environ 4 mètres de long. En été, elles sont très nombreuses dans l'estuaire du fleuve Mackenzie, où on les chasse. Certaines années, elles pénètrent dans les lac Eskimo où, si elles s'y attardent, elles risquent d'être prises au piège dans la glace. Les bélugas ne peuvent vivre sous une grande étendue de glace marine et sont par conséquent migratoires, hivernant dans les eaux sans glace du nord du Pacifique. Dans leurs voyages migratoires, elles sont accompagnées de rorquals, beaucoup plus grosses, mesurant jusqu'à 18 mètres de longueur.

Principale cible de la chasse à la baleine dans l'Arctique (Bockstoce 1986), les rorquals à bosse étaient presque exterminés dans l'Arctique occidentale avant le première guerre mondiale, mais sont heureusement en train de se renouveler maintenant. Les phoques se trouvent partout dans le mer Arctique. Les deux principales espèces dans l'Arctique occidental sont les phoques annelés, le plus commun et typique phoque de l'Arctique, et le phoque barbu, beaucoup plus gros. Les phoques des deux espèces peuvent facilement vivre sous une couche ininterrompue de glace en entretenant des cheminées de respiration à travers la glace. Ils demeurent donc toute l'année dans la région.

À l'intérieur des terres, le poisson est la denrée principale, particulièrement différentes espèces de Corégone et la lotte commune. En général, ils fraient en été et on peut les attraper en grand nombre au filet.

Les peaux de caribous étaient autrefois nécessaires aux vêtements d'hiver, et la viande de caribou, recherchée. L'Arctique occidental comprend deux troupeaux de caribous: la harde Porcupine vivant à l'ouest du fleuve Mackenzie, et la harde Bluenose, à l'est. Les deux sont migratoires; la mise bas survient dans la toundra côtière au début de juin et l'hivernage se fait dans les forêts du nord. Peut-être en raison d'une chasse excessive pour rencontrer les besoins alimentaires des équipages des baleiniers, les deux populations de caribous s'effondrèrent au début du 20e siècle, mais sont maintenant en voie de récupérer. La meilleure chasse au caribou a lieu dans les montagnes de Richardson ou à l'est, dans le voisinage de la rivière Anderson. Traditionnellement, l'automne était la saison privilégiée pour la chasse au caribou puisque, à ce moment de l'année, les mâles sont habituellement gras et en très bonne condition physique, et les peaux sont à leur meilleur pour les vêtements d'hiver. Avec le poisson et les mammifères marins, les caribous constituaient la base de la subsistance traditionnelle dans l'Arctique occidental.

Les cousins des caribous, domestiqués dans le Vieux Monde, - les rennes - furent introduits dans la région du Mackenzie au début de ce siècle par le Gouvernement fédéral canadien, empressé d'aider les populations locales à surmonter la disette de caribous. Ce ne fut jamais un succès complet, puisque les Inuvialuit, chasseurs, n'étaient pas intéressés à se transformer en gardiens de troupeaux. Cependant, un troupeau de plusieurs milliers d'animaux, maintenant propriété privée, vit encore dans la péninsule de Toktoyaktuk. Sa seule fonction commerciale est de produire le velours d'andouiller pour la marché aphrodisiaque de l'Orient.

Il y a d'autres animaux plus gros. Les ours blancs sont les plus gros des carnivores terrestres, et peuvent parfois se trouver dans les régions côtières, particulièrement à la périphérie des hautes terres telles que Cape Bathurst. Occasionnellement ils errent à l'intérieur jusqu'à Fort MacPherson ou Tsiigehtchic (la rivière Arctic Red). Plus nombreux sont les ours bruns, qui sont relativement abondants dans les montagnes de Richardson ou à l'est du fleuve Mackenzie dans le voisinage des rivières Horton et Anderson. L'orignal erre occasionnellement au nord de la limite de la forêt en été, broutant dans les riches saulaies. Et le boeuf musqué peut se trouver dans quelques régions. Vers 1900, il était exterminé en Alaska et presque éliminé à l'ouest du golfe Coronation mais, comme plusieurs animaux de l'Arctique, il s'en relève au 20e siècle (Barr 1991). Le boeuf musqué peut maintenant fréquenter le voisinage de la rivière Horton, et aussi la côte arctique du Yukon, où une population alaskienne, introduite, s'agrandit. Ils ne furent probablement jamais très nombreux dans la vallée même du Mackenzie.