'engouement des Européens pour les marchandises en provenance de l'Orient a été à l'origine de la recherche de routes maritimes vers l'Asie, en contournant l'Afrique et en traversant l'Atlantique. Le traité de Tordesillas, sanctionné par le pape en 1506, divisait l'Atlantique et les Amériques entre l'Espagne et le Portugal. Ce partage faisait obstacle aux ambitions commerciales de l'Angleterre, mais celle-ci ne pouvait défier ouvertement les deux grandes puissances maritimes. La solution était donc de trouver un passage reliant l'Atlantique et le Pacifique par le nord-ouest, évitant ainsi les territoires espagnols et portugais. Une série de cartes réalisées entre 1520 et 1570, basées autant sur la fantaisie que sur la théorie et les faits, illustre le développement de la notion d'un passage du Nord-Ouest.
La première indication de l'existence d'un passage par le nord-ouest figure sur le globe terrestre réalisé par Johannes Schöner en 1520. Ce globe révèle la présence de détroits au sud et au nord de « l'Amérique », chacun séparant « l'Amérique » d'autres masses continentales au sud et au nord.
Le « globe de l'ambassadeur », réalisé entre 1525 et 1553, illustre plus nettement un passage par le nord-ouest. On soupçonne d'ailleurs que c'est cette représentation qui a servi de modèle au passage illustré plus tard par d'autres cartographes, comme Frisius et Mercator.
Une carte (1529) réalisée par Girolamo da Verrazzano en amena plusieurs à penser qu'il existait une route plus courte et plus facilement franchissable pour atteindre l'Asie. Cette carte était basée sur l'itinéraire suivi par le frère du cartographe, le long de la côte est de l'Amérique du Nord, lors d'un voyage effectué pour le compte de la France en 1524. Ce modèle fut également repris par d'autres cartographes pendant de nombreuses années.
En 1531, Oronce Finé, professeur de mathématiques à Paris, réalisa la première carte sur laquelle on voit quatre îles de l'Arctique baignant dans une mer nordique polaire et une île distincte, le Grœnland. Pendant des siècles, d'autres cartographes, dont Mercator, reprirent ces éléments sur leurs propres cartes.
La notion d'un passage par le nord-ouest évolua grâce aux travaux de Gemma Frisius. Ayant accès à des cartes portugaises et espagnoles, Frisius reconnut que les frères Corte Real avaient franchi un détroit nordique pour passer de l'Atlantique à l'Orient (1500-1502). Sur son globe de 1537, il désigne ce détroit nordique « détroit arctique des trois frères ». Ses travaux, et particulièrement ce globe réalisé avec son élève, Gerard Mercator, étaient bien connus en Angleterre.
Une carte (1558) de Diogo Homem du Portugal, commandée par le reine Mary, fut achevée après la mort de celle-ci, à la demande de la reine Élisabeth. Elle était basée sur les explorations françaises (principalement celles de Cartier) menées entre 1534 et 1544 et illustrait principalement le littoral du nord-est de l'Amérique et le golfe et le fleuve Saint-Laurent. Selon cette représentation, l'Amérique du Nord est un continent étroit coupé de nombreux détroits menant au Pacifique. Par contre, sur une carte de Bolognino Zaltieri datant de 1566, l'Amérique du Nord est représentée comme une énorme masse terrestre ne pouvant être franchie que par un passage au nord-ouest.
C'est également en 1558 que Nicolo Zeno dessina une carte de l'Atlantique nord qui s'avéra très influente. Elle aurait été basée sur les voyages océaniques effectués par des membres de la famille du cartographe dans les années 1380, quoiqu'il n'existe aucune preuve que ces voyages aient effectivement eu lieu. La plupart des caractéristiques géographiques qui figurent sur cette carte sont positionnées à une latitude trop septentrionale, ce qui, plus tard, confondit les cartographes et amena Frobisher à croire qu'il avait visité l'île dite de Friesland alors qu'en fait, il s'était rendu au Grœnland.
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