n 1964,
sur la recommandation de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, l'île Kodlunarn a
été désignée comme lieu ayant une importance historique nationale. Toutefois, cette désignation a
été faite il y a 35 ans et depuis, on n'a presque rien fait sur les plans de la recherche, de la protection et de la
préservation.
En 1974, feu Walter Kenyon, du Musée royal de l'Ontario, décidait que le 400e anniversaire
de l'épopée de Frobisher ne serait pas oublié. Pour marquer l'occasion, il passa une quinzaine de jours à
visiter Kodlunarn et des emplacements voisins visités par Frobisher. Les documents qu'il publia par la suite ramenèrent
l'attention des chercheurs et des érudits sur ces événements lointains.
Sous la direction de William Fitzhugh,
le Smithsonian Institution organisa une expédition sur les lieux en 1981. M. Fitzhugh les revisita en 1990. La même année,
le Musée canadien des civilisations finança une courte visite à l'île Kodlunarn, ce qui aboutit à une
évaluation effectuée par M. Charles Arnold, Robert McGhee et James Tuck. Dans leur évaluation, ceux-ci affirmaient
que les lieux associés à Frobisher étaient beaucoup mieux préservés qu'on n'aurait pu le penser ou qu'on
ne l'avait rapporté. L'évaluation soulignait aussi le besoin de mettre en place sur-le-champ un système de gestion
afin de protéger l'intégrité historique de l'île, faisant valoir notamment la probabilité d'une hausse
de la fréquentation touristique, la recherche de souvenirs, la chasse au hasard, l'érosion naturelle, et d'autres
circonstances. Selon les auteurs de l'évaluation, les fouilles archéologiques entreprises à ces endroits
devraient :
« [...] être rigoureusement contrôlées afin de préserver les ressources archéologiques limitées ainsi que la qualité de l'environnement historique. Les personnes qui proposent d'entreprendre des projets de recherche devraient être contraintes de démontrer que les travaux qu'elles envisagent devraient aboutir à l'obtention d'information dont la valeur excède nettement les conséquences négatives résultant des recherches. »
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Cette évaluation incita le Musée canadien des civilisations à agir. En 1990, il prit les devants en créant un comité consultatif chargé de lui recommander, ainsi qu'à d'autres organismes intéressés, les mesures les plus judicieuses à prendre pour fouiller et préserver les endroits associés aux expéditions dans l'Arctique de Martin Frobisher. Le projet fut appelé projet Meta Incognita, en rappel du fait que ce fut la reine Élisabeth 1re qui attribua elle-même le nom de Meta Incognita, la côte inconnue, à la région visitée au cours des expéditions.
On demanda au comité consultatif, qui fut bientôt renommé Comité du projet Meta Incognita, d'orienter l'élaboration d'un programme de conservation, de recherches et de communication sur les lieux visités par Frobisher et de coordonner les efforts des organismes et des personnes qui participeraient aux travaux. Le Comité devait cerner les besoins en matière de recherche et favoriser une meilleure compréhension des activités de Frobisher dans l'Arctique. Le Comité devait également conseiller le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sur l'octroi de permis de recherches archéologiques et scientifiques dans la région. On espérait aussi que le projet aurait pour conséquence d'enrichir les connaissances sur les questions environnementales, historiques et culturelles plus générales particulières à cette région.
À cette fin, le Comité du projet Meta Incognita sollicita des représentants de la collectivité du Nord et d'organismes gouvernementaux, fédéraux et territoriaux, qui sont responsables de fouilles archéologiques ainsi que de la protection et de la mise en valeur des lieux historiques. Au fil des quelque dix années qui se sont écoulées depuis sa création, le Comité a joui d'un important appui du Centre du patrimoine septentrional du Prince de Galles et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, du nouveau territoire de Nunavut, de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, de Parcs Canada et du ministère du Patrimoine canadien, ainsi que du Musée canadien des civilisations. De plus, il a été appuyé par de nombreux particuliers et organismes du Canada, du Royaume-Uni, des États-Unis et d'ailleurs, et particulièrement par le Smithsonian Institution de Washington.
La plupart des travaux de recherche ont ciblé l'île Kodlunarn, où Frobisher avait établi
son camp principal, ainsi que des endroits voisins associés aux expéditions de Frobisher. Les travaux ont
débuté par une prospection archéologique menée pendant l'été 1991, sous l'égide
de Robert McGhee et de James Tuck, qui travaillaient à Kodlunarn, et de William Fitzhugh, travaillant à d'autres
endroits (celui-ci reprit ses travaux l'année suivante). D'autres expéditions, menées par Réginald Auger,
eurent lieu en 1993 et en 1994. Ces dernières visaient l'étude de questions particulières par l'entremise
d'excavations limitées effectuées à Kodlunarn. Elles ont notamment permis de recueillir des données
sur la menace pour l'île de l'érosion et de l'activité humaine.
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