es vingt et une années qui s'écoulèrent entre
la fin de la Première et le début de la Seconde Guerre
mondiale furent des années sombres pour le mouvement ouvrier
au Canada. De nombreuses familles de la classe ouvrière
ployèrent sous le joug d'un taux de chômage
élevé et de piètres conditions de travail
au cours de ces deux décennies. En fait, on peut compter
sur les doigts d'une main les années où la croissance
économique fut bonne. Cette brève période
débuta à la fin des années 20 et se termina
au moment de la Grande Crise des années 30.
Certaines régions du Canada, comme les Maritimes, connurent
un faible taux de croissance même durant la bonne
période de la fin des années 20. Les rigueurs de
l'économie forcèrent des milliers de gens des
Maritimes à s'acheminer en direction de l'Ontario et de
l'Ouest à la recherche d'un emploi. Les provinces de l'Ouest
n'étaient toutefois même pas en mesure d'absorber,
à l'intérieur de leurs propres frontières,
les besoins de toutes les personnes qui cherchaient du travail.
Durant la période de l'entre- deux-guerres, l'Ouest ne
revécut pas le « boom » économique du
début du XXe siècle. L'expérience
fut toutefois quelque peu différente dans les régions
industrialisées du Sud du Québec et en particulier de
l'Ontario, où la production de masse d'automobiles, de biens
ménagers et de vêtements annonçait
l'avènement de l'économie de consommation. De
nombreux travailleurs, cependant, même parmi ceux qui
occupaient un poste à plein temps, avaient un revenu beaucoup
trop faible pour pouvoir se procurer la plupart des biens qu'ils
produisaient.
Le haut taux de chômage demeura un obstacle majeur à
la mobilisation syndicale. En fait, le niveau de chômage
servait alors, comme maintenant, de baromètre au
succès des salariés. Durant les périodes
où le taux de chômage était peu
élevé, les travailleurs avaient plus de chance
de parvenir à créer des syndicats; par contre,
un haut taux de chômage et une forte concurrence sur le
marché du travail rendaient la mobilisation syndicale
difficile. Or, un haut taux de chômage s'abattit sur les
militants syndicaux durant la période de l'entre-deux-guerres.
Le statut juridique précaire des syndicats aggravait d'autant
la situation. Les syndiqués jouissaient de peu de protection
légale et étaient souvent mis à pied et
remplacés par un des nombreux chômeurs
désespérément en quête d'un emploi.
Durant ces années de vaches maigres, même les
syndicats de métier les mieux organisés luttaient
pour leur survie. La participation syndicale chuta vertigineusement
des sommets de 1919 aux niveaux qu'elle avait connus avant la
Première Guerre mondiale. Il n'est donc pas étonnant
que, du point de vue de la masse ouvrière, la majorité
des luttes avec les entreprises avaient un caractère
défensif. On se battait pour résister à
la réduction des salaires, aux campagnes antisyndicalistes
ou « d'ateliers ouverts » et à la
détérioration des conditions de travail.
Certains des conflits les plus acerbes qui eurent lieu à
propos de ces questions se produisirent au Cap Breton dans les
années 20.
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