u début du XIXe siècle, la plupart des gens au Canada travaillaient comme fermiers, pêcheurs et artisans. Ces activités se déroulaient sur une petite échelle; il y avait souvent peu de différence entre la vie professionnelle et la vie familiale. La plupart des gens vivaient dans des fermes ou dans de petits villages. C'était aussi une époque où tous les membres d'une même famille contribuaient directement à assurer la subsistance familiale, car leur survie dépendait de leur collaboration. Or, au Canada, ce mode de vie changea rapidement au cours de la dernière moitié du siècle, laquelle fut marquée par l'ère de la révolution industrielle au pays.

La construction de canaux et de chemins de fer - de gigantesques projets pour l'époque - et l'avènement du système industriel modifièrent le milieu de vie et de travail de la population. De nombreux habitants des milieux ruraux, surtout les jeunes et les nouveaux immigrants, s'acheminèrent vers les villes et les cités en voie d'industrialisation. Le transfert du centre de production, de la famille à l'usine, s'inscrivait dans la vaste transformation sociale et économique que vivait le Canada. Il annonçait l'instauration progressive du capitalisme industriel. Une distinction beaucoup plus nette commença à s'établir entre employeurs et employés. Cette nouvelle relation était aussi régie par un marché du travail capitaliste créant une rivalité entre les salariés en quête d'un emploi. En période d'expansion, les perspectives d'emploi étaient bonnes et pouvaient déboucher sur des salaires plus élevés et de meilleures conditions de vie; par contre, en période de récession, les salariés étaient réduits au rang de crève-la-faim tant la concurrence était forte entre les travailleurs qui, pour survivre, s'arrachaient les quelques emplois encore disponibles.

Les travailleurs créèrent des syndicats pour se protéger des aléas de ces nouveaux marchés du travail impersonnels. Bien que les premiers syndicats aient été de petites organisations locales, ils suscitèrent des réactions hostiles de la part des gouvernements et de la plupart des employeurs. En fait, les gouvernements déclarèrent illégaux les syndicats. Les sympathisants du mouvement syndical furent la cible constante de mesures d'intimidation du type harcèlement, mise à pied, arrestation et inscription sur la liste noire. Malgré une telle force d'opposition, les maigres salaires et les conditions de travail dangereuses donnèrent lieu à un nombre croissant de grèves et de protestations. Dans les années 1830 et 1840, des grèves majeures et violentes ponctuèrent la construction des canaux Welland et Lachine et un grand nombre de protestations furent enregistrées dans les camps de bûcherons. Ces actions étaient habituellement des manifestations spontanées de frustration qui aboutissaient rarement à la création d'organisations durables.

C'est au milieu du XIXe siècle qu'on vit apparaître pour la première fois des syndicats permanents. Dans les villes industrielles, les corps de métier comme les imprimeurs, les fabricants de chaussures, les mouleurs, les tailleurs, les tonneliers et les boulangers établirent des syndicats locaux. Les cheminots furent aussi très actifs dans l'établissement du syndicalisme. Dans le climat hostile qui régnait à cette époque, la vie de ces associations était précaire et rien ne garantissait leur survie. Peu à peu, les syndicats se renforcèrent grâce à la création d'assemblées locales et à une quête d'expansion qui les poussèrent à établir des liens avec les syndicats britanniques et américains.



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