a « misère des années 30 » fut réelle
et sema le désespoir parmi la population canadienne. Les
ravages du chômage obligèrent des milliers de gens
à engager une lutte pour leur survie dans un monde sans
assurance-chômage, sans régime d'assurance-santé
et où l'aide sociale était quasi inexistante. De
nombreux jeunes hommes sillonnaient en train le pays de droite
à gauche, à la recherche d'un emploi. C'était
la décennie des camps de clochards, ou hobo jungles, qui fit
couler tant d'encre. De toute évidence, cette époque
fut dure pour le syndicalisme. Les syndicats de métier
continuaient à se replier sur eux-mêmes, laissant
tous les travailleurs, sauf une petite poignée, sans soutien
syndical. Avant la fin de la décennie, toutefois, ces
syndicats et leur organe central, le Congrès des
métiers et du travail, se virent concurrencer et même
dépasser par plusieurs nouvelles organisations de la base
syndicale.
Au Québec, le mouvement syndical catholique prit de
l'ampleur et devint plus militant. Il mobilisait tous les
travailleurs dans une usine ou ailleurs, à l'instar d'un
syndicat industriel. Des dirigeants laïcs comme Alfred
Charpentier remplacèrent peu à peu le clergé
au sein du mouvement. Ils commencèrent aussi à injecter
un nouveau militantisme dans la pensée syndicale. En 1937,
un syndicat catholique dirigea une grève de 10 000
travailleurs contre Dominion Textile, une des plus grosses compagnies
du Québec. Le gouvernement provincial réagit par
l'adoption des lois du travail les plus répressives au Canada.
Ailleurs au pays, il y eut peu d'activité syndicale durant
les années 30. Une importante exception fut la création,
en 1928, de la Workers' Unity League (WUL) par le Parti communiste du
Canada (PCC). La WUL était l'organisation syndicale la plus
active au Canada au début des années 30. Elle tenta,
avec un certain succès, de créer des syndicats
industriels parmi les travailleurs semi-qualifiés et non
qualifiés. Ce furent surtout les mineurs et les travailleurs
industriels de l'Ouest et du Nord de l'Ontario qui s'y
intéressèrent. Les vigoureux efforts de mobilisation
faits à Stratford et dans d'autres villes du Sud de l'Ontario
soulevèrent la colère des entreprises et du gouvernement
contre le syndicat. Le militantisme et les idées communistes
des partisans de la WUL n'étaient pas de nature à
plaire aux élites du pays. Toutefois, c'est le PCC, et non
le gouvernement ou les entreprises, qui mit fin aux activités
de la WUL. En 1935, le PCC démantela la WUL pour obéir
à l'appel des communistes internationaux voulant que le
syndicat se joigne aux organisations établies comme le
Congrès des métiers et du travail. Même si
la WUL ne compta probablement jamais plus de 40 000 membres, ce
fut une organisation importante. Les communistes qui en faisaient
partie étaient des militants syndicaux saisonniers qui
n'allaient pas tarder à jouer un rôle central dans
la nouvelle et puissante vague de mobilisation qui commençait
à déferler sur le pays.
|