a grève sauvage des postiers modifia considérablement
la façon dont le gouvernement fédéral et, plus
tard, la plupart des gouvernements provinciaux, traitèrent
leurs employés. En 1967, le gouvernement fédéral
adopta la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
Cette loi compliquée accordait essentiellement aux fonctionnaires
fédéraux le droit à la négociation collective
et leur donnait le choix de régler les différends en
recourant à l'arbitrage ou à la grève.
D'importantes restrictions limitaient toutefois les catégories
d'employés qui pouvaient se syndiquer (par exemple, les
militaires et les membres de la Gendarmerie royale du Canada
étaient exclus) et les circonstances donnant droit à
la grève. Toutefois, la majorité des fonctionnaires
avaient désormais accès à la négociation
collective. La réaction des employés de l'État
à cette loi fut incroyable : ils atteignirent des records
de syndicalisation. Les fonctionnaires fédéraux
adhérèrent à l'Alliance de la Fonction
publique du Canada (AFPC), dont l'effectif compta plus de
180 000 membres au début des années 80. Du
côté des gouvernements provinciaux, des lois
semblables furent adoptées et leurs employés
joignirent pour la plupart les rangs des syndicats affiliés
aux 275 000 employés du puissant Syndicat national de la
Fonction publique provinciale.
D'autres travailleurs du secteur public se
syndiquèrent à la même époque.
Le Syndicat canadien de la Fonction publique (SCFP) entra
magistralement en scène, recrutant des milliers
d'employés municipaux et provinciaux ainsi que
du personnel des hôpitaux, des écoles, des
garderies, des maisons de repos, des bibliothèques,
des organismes de services sociaux et d'autres secteurs
connexes de l'économie. Au milieu des années
80, le SCFP, avec ses 330 000 membres, était le plus
gros syndicat au Canada. Sa configuration reflétait
aussi la composition changeante de la population active au
Canada et la nouvelle réalité du mouvement
syndical. Les femmes constituaient en effet la moitié
de l'effectif du SCFP. Elles y occupaient aussi d'importants
postes de direction, et une d'entre elles en assumait la
présidence. Le SCFP devint un ardent défenseur
de l'équité salariale, des prestations de
maternité et des services de garde d'enfants.
Un vent de syndicalisation souffla aussi chez les
professionnels occupant des postes dans le secteur
paragouvernemental. Les secteurs de l'enseignement, des
soins infirmiers, du service social, du professorat et de
la culture - le personnel par exemple des musées, des
orchestres et des galeries d'art - cherchèrent à
obtenir le droit à la négociation collective dans
le secteur privé. Au départ, beaucoup de ces
groupes se tinrent à l'écart du mouvement ouvrier
prédominant. Toutefois, les dures attaques menées
partout contre le droit à la convention collective au
cours des 20 années qui suivirent les rapprochèrent
peu à peu les uns des autres.
La décision des infirmières de changer
le nom de leurs « associations » en «
syndicats » fut le symbole de cette nouvelle
façon de penser. L'afflux des travailleurs du
secteur public dans le mouvement ouvrier transforma le
Congrès du Travail du Canada (CTC). Pour la
première fois dans l'histoire, les syndicats canadiens
affiliés au CTC comptèrent plus de membres
que ceux des syndicats internationaux. Cet état de
fait fut à l'origine de tensions au sein du CTC au
sujet des politiques et des cotisations syndicales. C'est
ainsi qu'un groupe de syndicats internationaux des
métiers de la construction se retira du CTC au
milieu des années 80, pour y revenir plusieurs
années plus tard.
|