a vague de mobilisation au sein du secteur public
témoignait du mécontentement grandissant
chez les travailleuses et les travailleurs canadiens.
Dans les années 60, le ralentissement de
l'économie conjugué à une
hausse de l'inflation allaient à l'encontre
des attentes des travailleurs désireux de
goûter à une part des profits
gigantesques réalisés par les
entreprises depuis la fin de la guerre. Les
directeurs d'entreprise et les gouvernements,
dans l'ensemble, continuaient à s'opposer
avec vigueur aux revendications syndicales.
En dépit des modifications obtenues de
haute lutte par les syndicats dans les lois
régissant le travail, les entreprises
luttaient contre la reconnaissance syndicale
et en particulier contre la signature des
premières conventions collectives. Les
injonctions interdisant les grèves et le
piquetage devinrent un lieu commun puisque les
tribunaux semblaient immanquablement trancher
en faveur des employeurs. On vit souvent
réapparaître, durant les grèves,
les anciennes tactiques d'intimidation des
années antérieures. Les services
des compagnies se spécialisant dans les
manuvres antigrève devinrent en
demande et, de l'opinion des militants syndicaux,
la police intervint trop fréquemment pour
abolir les lignes de piquetage et intimider les
grévistes et leurs dirigeants.
Les grèves furent fréquentes
dans les années 60. Pourtant, elles
ressemblaient peu à celles qui
s'étaient déroulées au
cours des périodes antérieures
de l'histoire du Canada. En 1966, le nombre
de grèves (617) et de grévistes
atteignit des sommets plus élevés
que dans les années 40, mais leur
contexte était désormais celui
de la négociation collective. Par
exemple, un grand nombre de grèves
eurent lieu au sujet du renouvellement de la
convention - et non au sujet du droit à
la négociation collective comme tel. En
période de négociation des
conventions collectives, les grèves
étaient censées, en principe,
être illégales. Toutefois, le
mécontentement grandissant des
travailleurs poussa un grand nombre d'entre
eux à agir illégalement et
à déclencher ce qu'on a
appelé des grèves sauvages.
Dans les années 60, les grèves
sauvages étaient un phénomène
de plus en plus populaire; en fait, elles
représentèrent le tiers des
conflits signalés en 1966. Les
travailleurs ne s'occupaient pas de leurs
obligations contractuelles et débrayaient
pour protester contre l'accélération
des chaînes de montage, la mise à
pied d'un collègue de travail, ou la
lenteur du règlement des griefs ou des
négociations collectives. Dans certains
cas, les grévistes et leurs dirigeants
ne partageaient pas le même point de vue.
Le système de négociation
plaçait les dirigeants syndicaux dans
une position de compromis, car ils
étaient légalement tenus
responsables des actes de leurs membres.
Par conséquent, si les dirigeants
étaient d'accord avec ces actes, ils
risquaient d'être arrêtés
et de voir leurs syndicats faire face à
des pénalités financières.
Dans le cas contraire, leur désaccord
risquait de creuser un dangereux fossé
entre eux et leurs membres. Ce dilemme fut
l'une des conséquences négatives
du « grand compromis » qui avait
permis aux syndicats d'obtenir, après
la Seconde Guerre mondiale, d'importants droits
en matière de négociation collective.
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