ertains des événements les plus frappants
de cette époque turbulente dans l'histoire des
relations industrielles se produisirent au Québec.
Le militantisme des travailleurs québécois,
leurs politiques radicales et la campagne pour un
Québec indépendant menée dans
les années 60 et 70 causèrent un
émoi chez de nombreux observateurs au pays.
Le mouvement ouvrier au Québec prit rapidement
de l'ampleur durant la période qui suivit la fin
de la Seconde Guerre mondiale, en dépit de la
résistance farouche du milieu institutionnel et
du secteur industriel appuyés par le gouvernement
provincial extrêmement antisyndicaliste de
Maurice Duplessis. Entre 1951 et 1976, le
pourcentage de salariés syndiqués
passa de 27 p. 100 à 38 p. 100. Les
revendications des travailleurs du Québec
étaient sensiblement les mêmes que
celles des autres syndiqués au Canada.
Les importantes grèves qui eurent lieu
à Asbestos (1949), Louiseville (1952) et
Murdochville (1957) marquèrent le prélude
d'un mouvement ouvrier mieux organisé et plus
militant. La plupart des travailleurs du secteur
privé étaient accrédités
auprès de syndicats internationaux
affiliés à la Fédération
des travailleurs du Québec (FTQ), laquelle
entretenait des liens étroits avec le
Congrès du Travail du Canada (CTC). Tout
au long de cette période, la FTQ demeura la
plus grande fédération syndicale de
la province, représentant environ 40 p. 100
des syndiqués du Québec. En 1974,
la FTQ et le CTC négocièrent un
accord qui reconnaissait à la FTQ une
autonomie dans le domaine du recrutement, de
l'éducation, des relations publiques et
de la plupart des autres fonctions auparavant
exercées par le CTC.
La plus grande bénéficiaire de
la vague de mobilisation qui balaya le secteur
public fut la Confédération des
syndicats nationaux (CSN). Elle naquit des cendres
des anciens syndicats catholiques qui avaient
renoncé à tout lien avec
l'Église au début des années
60. À l'aube des années 70, la CSN
représentait environ 30 p.100 des
syndiqués du Québec. Les enseignantes
et enseignants furent un autre groupe à
se mobiliser rapidement. Ils créèrent
une organisation distincte, mais non moins influente,
alors intitulée la Corporation des enseignants
du Québec (CEQ).
L'arrivée massive des fonctionnaires
provinciaux radicalisa le mouvement syndical.
La CSN et la FTQ proposèrent notamment
un programme socialiste et revendiquèrent,
pour les travailleurs du Québec, la
création d'un nouveau parti ouvrier. Le
leadership de la CSN, de la CEQ et, à un
degré moindre, de la FTQ, faisait de plus
en plus de l'indépendance un mot d'ordre
dans le cadre de l'instauration d'une nouvelle
société.
Parmi les grèves les plus violentes
qui défrayèrent la manchette au
Canada dans les années 70, un grand nombre
se produisirent au Québec. Ce sont les
travailleurs du secteur public qui, plus que tout
autre, engagèrent ces confrontations. En
1972, la CSN, la FTQ et la CEQ créèrent
un front commun de négociation avec le
gouvernement provincial. Lorsque le gouvernement se
montra réticent à accorder aux syndicats
les importantes augmentations salariales et
l'amélioration des conditions de travail
qu'ils réclamaient, 250 000 syndiqués
déclenchèrent un arrêt de
travail dans tous les services gouvernementaux.
Des grèves de solidarité se
répandirent dans le secteur privé.
En peu de temps, cette grève devint la
plus importante de toute l'histoire du Canada.
Dans l'agitation qui s'ensuivit, les manifestants
eurent des échauffourées avec la
police, les tribunaux émirent des injonctions
contre les syndicats, et les autorités
arrêtèrent et emprisonnèrent
des grévistes. Les présidents de
la CSN, de la FTQ et de la CEQ furent mis en
état d'arrestation et condamnés
pour avoir incité leurs membres à
défier les injonctions du tribunal
ordonnant le retour au travail. L'intervention
vigoureuse du gouvernement provincial et une
piètre coordination parmi les syndicats
mirent rapidement un terme à la grève.
Les partisans du mouvement syndical au
Québec et au Canada demandèrent
la libération des syndicalistes
emprisonnés. Leur pression porta fruit
et, après avoir purgé quatre mois
seulement d'une peine d'emprisonnement d'un an,
les présidents des syndicats du front commun
furent libérés. Les
célébrations marquant leur
libération comptèrent toutefois
parmi les derniers élans de solidarité
au sein du front commun. Chaque fédération
se replia sur elle-même au point où l'on
vit renaître les anciennes rivalités
entre elles. La CSN connut des remous internes
lorsqu'une faction plus conservatrice s'en
détacha pour former sa propre centrale
syndicale. En dépit de ces divisions, les
travailleurs du Québec demeurèrent
parmi les salariés les mieux organisés
du Canada, et leurs syndicats continuèrent
à exercer une influence dans les sphères
politiques et sociales de la province.
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