e monde changea à nouveau rapidement de visage au tournant du siècle pour le travailleurs du Canada. Le pays était ébranlé par ce que de nombreux historiens qualifièrent de Seconde Révolution industrielle. La normalisation et la réglementation du travail prirent de l'ampleur, comme la taille des usines, certaines embauchant désormais des milliers de travailleurs. Le travail à la chaîne devint le symbole de cette nouvelle ère de production de masse. Les gigantesques usines d'automobile de Henry Ford à Windsor et à Detroit représentèrent, aux yeux de nombreux industriels, la voie à suivre. Ces changements dans l'organisation du travail allaient modifier profondément la vie de milliers de travailleuses et travailleurs au Canada durant le siècle suivant.

L'utilisation accrue de machines au cours de la Seconde Révolution industrielle créa une demande de travailleurs possédant de nouveaux profils de compétences. Les préposés aux machines semi-qualifiés devinrent populaires. Les bureaux centraux et les entreprises de services, en pleine prolifération, créèrent des milliers d'emplois de commis de bureau et de vente au détail. Ce sont des femmes qui occupèrent plusieurs de ces postes. Le nombre de postes d'ouvriers disponibles continuait de son côté à augmenter puisqu'il fallait bâtir deux nouvelles voies de chemin de fer continentales, élargir les industries d'utilisation des ressources et construire des édifices privés et commerciaux dans les villes en pleine expansion. Beaucoup de gens se demandaient où trouver les travailleurs dont ils avaient besoin. La réponse du Canada consista à se mettre en quête d'immigrants de l'autre côté de l'océan Atlantique.

Au cours de la première décennie du siècle, c'est par centaines de milliers que les immigrants affluèrent au Canada. En aussi peu de temps, ils modifièrent le visage de la classe ouvrière canadienne. Une vague d'ouvriers et de travailleurs semi-qualifiés pénétra au Canada en provenance du Centre, de l'Est et du Sud de l'Europe. Ukrainiens, Polonais et Italiens immigrèrent au Canada, acceptant une foule d'emplois exigeants et difficiles dans le secteur industriel et dans la construction. L'aménagement des chemins de fer et les autres vastes projets d'infrastructure de l'époque se réalisèrent grâce à un nombre incalculable d'immigrants. Sur les chantiers de l'Ouest du Canada, les Européens travaillèrent de concert avec des milliers d'autres personnes venues d'Asie, et en particulier de Chine.

Des immigrants des pays plus industrialisés du Nord et de l'Ouest de l'Europe se joignirent aussi à la vague d'immigration au Canada. Beaucoup d'Allemands et de Scandinaves, par exemple, étaient des travailleurs qualifiés et semi-qualifiés qui se trouvèrent de l'emploi en compagnie de milliers de Britanniques et d'Écossais avec qui ils comblèrent la plupart des postes de préposés aux machines, nouvellement créés dans l'industrie. Même si la vie de ces travailleurs était difficile, leur poste à l'usine donnait un peu plus de stabilité à leur vie en comparaison de celle des autres immigrants forcés de parcourir le pays à la recherche d'emplois de manœuvres à court terme.

Au début du XXe siècle, l'augmentation de la production de masse et les vagues de nouveaux immigrants ne présageaient rien de bon pour le mouvement syndical. Les employeurs et le gouvernement manifestaient ouvertement leur opposition au syndicalisme. La vague d'immigration faisait en sorte qu'il fallait s'attaquer aux différences ethniques et raciales avant de pouvoir songer à établir une solide structure de représentation syndicale.



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