exclusion de la plupart des travailleurs qualifiés du
mouvement syndical professionnel n'abolit pas pour autant toute
forme de militantisme au début du XXe
siècle. Les mineurs en Colombie-Britannique et en
Nouvelle-Écosse eurent de sérieux affrontements
avec les propriétaires des mines; par exemple, en 1901
à Rossland, en Colombie-Britannique, et en 1909 en
Nouvelle-Écosse, la milice fut mobilisée contre
les grévistes. Dans les deux cas, les travailleurs
avaient rejeté le point de vue des syndicats
professionnels au profit de la syndicalisation industrielle
(les syndicats industriels mobilisaient tous les travailleurs -
des manuvres aux travailleurs qualifiés - en une
seule unité). Les propriétaires des mines ne
voyaient pas d'un bon il les syndicats industriels parce
qu'ils estimaient qu'ils donnaient trop de pouvoir aux travailleurs.
C'est pourtant précisément la raison pour laquelle
le syndicalisme industriel attirait un nombre croissant de
travailleurs, en particulier au sein de l'industrie primaire.
En 1905, un groupe de dirigeants syndicaux socialistes se
réunirent à Chicago pour former l'Industrial Workers
of the World (IWW), organisation également connue sous le
nom de Wobblies. La Western Federation of Miners, qui avait
dirigé la grève de Rossland, fut l'un des premiers
syndicats à s'affilier à l'IWW. Les militants de
l'IWW voyagèrent dans les campements miniers, les
baraquements de chemins de fer et autres cantonnements de
travailleurs du secteur primaire en Colombie-Britannique et
dans l'Ouest de l'Alberta. Ils convainquirent les travailleurs
de se rallier au syndicalisme industriel, qui semblait en effet
la meilleure solution dans les vastes campements regroupant les
travailleurs itinérants de l'industrie primaire, dont un
grand nombre venaient d'immigrer au Canada. Ces travailleurs
trouvaient attrayante l'IWW parce que cette organisation
était attentive à leurs besoins. Ses écrits
étaient publiés en plusieurs langues, et les locaux
du syndicat étaient un lieu de rencontres amicales et de
loisir pour ces ouvriers itinérants. L'organisation
était célèbre pour ses chansons,
regroupées dans un recueil intitulé le Big Red
Song Book. Beaucoup d'entre elles, comme « Solidarity
Forever », devinrent les hymnes du mouvement ouvrier.
L'IWW était reconnue pour son penchant en faveur de
l'action industrielle plutôt qu'en faveur des débats
politiques. Le syndicat ne recula jamais devant la grève et
préconisa même le recours à la grève
générale pour atteindre ses objectifs. Les chefs
d'entreprises et les dirigeants gouvernementaux s'opposèrent
avec force à l'ascension de l'IWW. Ils firent tout ce
qu'ils purent pour affaiblir la popularité du syndicat.
Leur attaque la plus vigoureuse eut lieu en 1912 lorsque l'IWW
dirigea une grève massive dans les cantonnements du Chemin
de fer Canadien du Nord en Colombie-Britannique. Les demandes
d'amélioration des conditions de vie dans les campements
de travailleurs, pour la plupart immigrants - certaines des
réunions de l'IWW se déroulaient dans seize langues -
furent accueillies avec une vive résistance de la part
de la compagnie et du gouvernement provincial. Face à
la conjonction de ces forces, les travailleurs perdirent
finalement la bataille. Cette défaite, s'ajoutant au
harcèlement perpétuel auquel faisait face
l'organisation lorsqu'elle se rendait dans l'Ouest, eut pour
effet de l'affaiblir. En 1913, la dépression, qui fut
néfaste pour les syndicats de corps de métier, mit
fin à la plupart des activités de l'IWW au Canada.
Un grand nombre de campements fermèrent leurs portes et
les travailleurs se dispersèrent dans l'ensemble du
continent, privant l'IWW de son principal effectif. Jamais le
syndicat ne retrouva sa vitalité d'avant-guerre.
L'IWW nous a légué un important héritage.
Cette organisation représentait à elle seule des
milliers de travailleurs itinérants et isolés,
souffrant dans les durs campements des industries de la construction
et du secteur primaire dans l'Ouest du Canada. Le syndicat servait
aussi à rappeler aux gens qu'il y avait des solutions de
rechange au modèle de mobilisation préconisée
par les syndicats de corps de métier (ou syndicats
professionnels).
L'IWW ne fut pas la seule force derrière l'éclosion
du syndicalisme industriel dans les années
précédant la Première Guerre mondiale. Au
Québec, les travailleuses (c'étaient surtout des
femmes) francophones de l'industrie du textile se mobilisèrent
en vue de créer un syndicat industriel et organisèrent
une grève massive en 1907. À Montréal, Toronto
et Hamilton, les travailleuses juives de l'industrie du
vêtement tentèrent également de créer
des syndicats industriels. Aucun d'entre eux, cependant, ne connut
un succès durable. Dans l'Ouest du Canada, le syndicalisme
industriel connut un essor juste avant la Première Guerre
mondiale. La Fédération du travail en Alberta et en
Colombie-Britannique donna son aval au concept et promit une
campagne destinée à convertir le Congrès des
métiers et du travail au syndicalisme industriel.
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