urant l'époque qui suivit la Seconde Guerre mondiale, les travailleurs canadiens et leurs syndicats eurent de nouveaux défis à relever. Les changements technologiques et les plans de réorganisation du travail, prévus par la direction pour accroître la production, inquiétèrent de nombreux travailleurs. Ces préoccupations étaient exacerbées par l'attitude de la direction qui ne se souciait pas de l'incidence de ces changements sur les travailleurs. En outre, la composition de l'effectif subissait une profonde métamorphose. Tout d'abord, au début des années 60, la génération plus instruite du « Baby Boom » fit son entrée en scène. Cette nouvelle génération avait des attentes différentes de celle de parents qui avaient survécu à la Grande Crise et aux ravages de la Seconde Guerre mondiale. Elle était plus encline à défier l'autorité. Nombre de ces jeunes n'hésitèrent pas à accuser, à l'occasion, leurs dirigeants syndicaux d'être trop passifs dans leurs rapports avec les employeurs et les gouvernements.

Un autre changement important se produisit pour les travailleurs et leur famille. Comme la société mettait davantage l'accent sur l'éducation, moins de jeunes travaillaient à plein temps. Cette tendance fit pression sur les finances de la famille, privée d'un supplément de revenu. Ce manque à gagner provoqua l'un des plus gros changements qu'ait connu le marché du travail. Au début des années 50, les femmes y accédèrent en nombre de plus en plus élevé. Au cours des 20 années qui suivirent, la participation des femmes au marché du travail s'accrut de 56 p.100 et elles en vinrent à représenter 42 p.100 de la population active. Bien sûr, les femmes prirent un emploi pour d'autres motifs qu'une simple stabilisation du revenu familial. Elles y voyaient l'occasion d'accéder à un nouveau mode de vie, à une carrière, à une plus grande indépendance économique et à un milieu social élargi.

L'arrivée massive des femmes dans l'univers du travail modifia peu à peu le visage du mouvement syndical. Au milieu des années 80, les femmes représentaient 35 p.100 de l'ensemble des syndiqués au Canada. Ce changement dans la répartition des sexes au sein du mouvement syndical fit en sorte que les femmes assumèrent peu à peu, souvent face à l'opposition des hommes, des postes d'une importance croissante au sein des sections locales, des conseils du travail et du Congrès du Travail du Canada (CTC). Grâce aux femmes, d'importants nouveaux enjeux virent le jour à la table de négociation : le congé de maternité, la garde des enfants, le harcèlement sexuel et un salaire égal pour un travail d'égale valeur.

Le nombre grandissant de Canadiennes et de Canadiens œuvrant dans le secteur public représenta un autre changement fondamental durant cette époque postérieure à la Seconde Guerre mondiale. Les administrations municipales, les gouvernements provinciaux et l'état fédéral embauchèrent des milliers d'employés. Plus de gens trouvèrent un emploi de col bleu au gouvernement que jamais auparavant dans notre histoire. Mais le plus gros changement se produisit du côté des cols blancs. On pouvait trouver dans la fonction publique pratiquement tous les postes semi-professionnels et professionnels imaginables. On évaluait, au début des années 70, qu'une personne sur cinq au Canada travaillait dans le secteur public.

Cette transformation de la main-d'œuvre fut à l'origine d'un remaniement profond du mouvement ouvrier au Canada. Les fonctionnaires avaient certes formé des associations dès le début de la Première Guerre mondiale, mais ces groupes étaient davantage des clubs sociaux que des syndicats. Quand des négociations avaient eu lieu avec le gouvernement, elles s'étaient déroulées sur un ton amical et jamais les associations n'avaient eu, ni cherché à obtenir, le droit à la négociation collective ni à la grève. Cependant, les changements radicaux dans la composition de la fonction publique qui s'opérèrent dans les années 50 et 60 eurent pour effet de refroidir considérablement le climat qui régnait dans les relations de travail.



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