u moment du relâchement du contrôle des salaires, à la fin des années 70, des problèmes encore plus inquiétants apparurent à l'horizon. Les attitudes économiques conservatrices adoptées à l'époque de la mise en œuvre des contrôles salariaux battaient alors leur plein. Les commentateurs conservateurs s'en prenaient à la taille du gouvernement et à ses dépenses. Chaque aspect des règlements et des dépenses du gouvernement devenait la cible d'attaques, y compris des éléments aussi divers que la taille de l'appareil d'état et le financement des programmes médicaux et des programmes d'éducation et d'aide sociale. En d'autres mots, on demandait à ce que soient démantelés les programmes que le salariat considérait comme l'assise d'une société juste.

Cette critique s'étendit rapidement au mouvement ouvrier. Les syndicats du secteur public en devinrent largement la cible. Les gouvernements les présentèrent comme des obstructionnistes, lents à changer, et insistèrent sur le fait que leurs demandes de sécurité d'emploi et de salaires sûrs étaient une preuve de leur égoïsme en période de crise économique. Les gouvernements fédéral et provinciaux lancèrent des campagnes énergiques contre les syndicats représentant leurs propres employés. Des lois réprimant les droits acquis à la table de négociation, et même, dans certains cas, les suspendant complètement, furent adoptées. Les employés du secteur public eurent à subir, sur une vaste échelle, le contrôle gouvernemental de leurs salaires et de leurs avantages sociaux. De nombreux postes furent abolis et d'autres offerts à contrat à des employés non syndiqués, à des salaires moins élevés et n'offrant que peu d'avantages sociaux.

Les employeurs du secteur privé exercèrent des pressions pour inclure à leur tour un grand nombre de ces changements dans les négociations avec leurs employés. Ils demandèrent aux syndicats de faire des concessions sur le plan des salaires, des avantages sociaux et des règles de travail. La « souplesse » de l'effectif devint un enjeu majeur dans les relations patronales-syndicales. Les dirigeants d'entreprises réclamèrent le droit de ne pas tenir compte de la classification des emplois et des clauses d'ancienneté dans les contrats afin de pouvoir réduire les coûts de la main-d'œuvre et accroître la productivité. Inquiets des menaces de mise à pied et de « réduction des effectifs » - un autre terme clé des années 80 - les travailleurs se plièrent à ces demandes. La réduction des effectifs (la mise à pied des travailleurs et la réorganisation du travail, souvent à l'aide de la technologie, en vue d'accroître la productivité) représenta la perte permanente de milliers d'emplois de qualité dans le secteur manufacturier. La situation de l'emploi s'aggrava davantage lorsqu'à la réduction des effectifs vint s'ajouter la récession économique générale que l'on connut au début des années 80, ou la dépression encore beaucoup plus grave des années 90.

L'inlassable pression exercée sur les syndicats par les gouvernements, les mass-média et les entreprises fit battre de l'aile au mouvement ouvrier. La réduction des effectifs et les autres mises à pied entraînèrent un déclin important des effectifs syndicaux dans les industries habituellement bien organisées de production de masse et d'utilisation des ressources. Rien qu'au sein des principales entreprises ferroviaires du Canada, des milliers de poste furent abolis. Aux États-Unis, un même scénario se produisit, réduisant à aussi peu que 11 p. 100 le nombre des salariés syndiqués. Le déclin ne fut pas aussi rapide au Canada, principalement en raison de l'organisation plus efficace du secteur public. Toutefois, il fut suffisamment abrupt pour qu'on entende les « spécialistes » prédire, dans les médias, l'effondrement total du mouvement ouvrier.

Le salariat mit son énergie au service de la politique électorale et fut récompensé dans les provinces. Le Nouveau Parti Démocratique (NPD) détint le pouvoir pendant un certain temps en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Au Québec, les politiques sociales du gouvernement du Parti Québécois équivalurent à celles du NPD ailleurs. Dans l'ensemble, ces gouvernements affichèrent une sympathie à l'égard de la masse ouvrière. Des améliorations aux lois sur la santé et la sécurité augmentèrent la sécurité d'emploi des travailleurs, et d'autres mesures renforcèrent le pouvoir de marchandage des syndicats dans la négociation d'une première convention. À l'occasion, toutefois, de profonds différends mirent dos à dos le salariat et les gouvernements NPD au sujet des programmes de réduction du déficit, spécialement ceux touchant la santé et l'aide sociale.



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