IN MEMORIAM : Bill Reid (1920-1998)

Notes biographiques
Éducation et apprentissage |  Premières œuvres |  Oeuvres monumentales
Mots et images |  Bill Reid, 1920-1998 |  Son legs



Son legs

« Il n'a jamais oublié qu'il n'était que le serviteur d'une haute tradition. »
Traduction libre, d'après David Silcox, «Lives Lived: William Ronald Reid», Toronto Globe and Mail, 26 mars 1998

« Je trouve dommage que les gens se sentent systématiquement obligés de réinventer la roue. Si on part de rien, on ne se rend pas bien loin. Il faut compter deux semaines pour fabriquer la plupart des choses, mais il faut deux ou trois générations pour maîtriser les compétences nécessaires. Ce qui me dérange chez les jeunes sculpteurs autochtones, c'est qu'ils ne connaissent pas la tradition et qu'ils ne veulent pas apprendre ce que leurs aînés ont à leur enseigner. »
Traduction libre, d'après Bill Reid cité dans Edith Iglauer, «The Myth Maker», Saturday Night, vol.27, no.2 (février 1982), p.18

Peu importe le support ou l'échelle, Bill Reid tirait avant tout satisfaction de «l'objet bien fait» -- évoquant par ces termes à la fois l'adresse de l'artisan et le respect d'un style formel reconnu (qui admet néanmoins une mesure d'expression artistique individuelle). Cette notion transparaît nettement dans l'art haïda, dès ses manifestations les plus précoces qui ont survécu jusqu'à nos jours. Bill Reid y voyait une qualité indispensable à toutes les œuvres humaines de valeur et donc le lien entre les artistes contemporains et ceux qui les ont précédés. Il préférait d'ailleurs nettement se considérer comme un artisan et non comme un artiste. Toutefois, la vitalité de ses créations ne tient pas seulement à son entendement profond des conventions qui sous-tendent l'art haïda, à son adresse technique et à son attention perfectionniste aux détails, mais aussi à sa capacité à transcender les règles de style et à créer ainsi quelque chose qui est à la fois fondé dans la tradition et nouveau.

Si au cours de ses premières années de célébrité, l'artiste semblait quelque peu amusé ou dérangé par «la question indienne», il a fini par accepter peu à peu qu'il s'agissait pour lui d'une recherche de ses antécédents culturels personnels, même s'il n'était pas officiellement Indien aux yeux de la loi ou par son éducation. Non seulement dans son œuvre, mais aussi dans les discours qu'il a prononcés et les documents qu'il a publiés, il en est venu à affirmer la nécessité de respecter et de reconnaître les réalisations sociales et culturelles de ses ancêtres et à critiquer la dégradation de l'identité culturelle qu'avaient subie les Haïdas après l'arrivée des Blancs. Il appuyait en particulier les efforts déployés pour protéger la forêt ombrophile de South Moresby. Sa présence aux barricades des manifestants a encouragé les opposants à l'exploitation forestière et a contribué au succès du mouvement de résistance qui s'est formé. Magistralement, il réussissait cependant à éviter les récriminations ou le désir romantique de revenir en arrière; il était plutôt dans la tangente humanitaire en ce qu'il espérait qu'Autochtones et Allochtones parviendraient un jour à travailler ensemble pour bâtir un avenir meilleur.

femme souris femme chien de mer
La Femme Souris et la Femme Chien de mer
de L'esprit de Haida Gwaii

photographie : George MacDonald

Bill Reid a notamment tenté de contribuer à réaliser un tel avenir en donnant à des jeunes haïdas la possibilité de redécouvrir leurs origines comme lui-même l'avait fait. Il a, par son exemple, influencé et inspiré les artistes autochtones de la génération qui a suivi la sienne. Quoiqu'il ait toujours parlé en termes humbles de son rôle d'enseignant, nombreux sont les éminents artistes haïdas de l'heure qui reconnaissent la dette qu'ils ont envers Bill Reid d'avoir pu collaborer avec lui à tel ou tel projet. Les maîtres sculpteurs Robert Davidson et Jim Hart, tous deux descendants de Charles Edenshaw, comptent parmi les plus célèbres des apprentis de Bill Reid, même si l'artiste préférait les considérer comme des protégés. Bill Reid cherchait surtout à affirmer, en donnant l'exemple, l'importance d'aspirer à des normes élevées, elles-mêmes basées sur une compréhension de l'art traditionnel.

Quoique les œuvres de Bill Reid se vendent très cher dans les milieux artistiques, il est heureux que bon nombre de ses créations clés aient été installées soit dans des endroits publics, soit dans des endroits qui sont accessibles au public, comme les collections de musée et notamment celle du musée d'anthropologie de l'université de la Colombie-Britannique (qui possède la plus importante collection d'œuvres de Bill Reid), de la Vancouver Art Gallery (qui a accueilli sa première exposition solo en 1974) et du Musée canadien des civilisations (qui possède la plus importante collection des œuvres monumentales créées par Bill Reid plus tard au cours de sa carrière).

Figure de la pirogue de jade Le Vieux-conscrit-récalcitrant de L'esprit de Haida Gwaii
-- un auto-portrait?

photographie : George MacDonald

Si l'œuvre de Bill Reid est fondée dans l'art haïda traditionnel, il a néanmoins ajouté à cette tradition des idées et des formes d'expression modernes, avec un individualisme qui nous contraint à reconnaître d'abord son importance comme artiste, et ensuite son importance comme artiste haïda. La résurgence de l'art a contribué énormément au rétablissement de la confiance en soi sur le plan culturel et de l'espoir vis-à-vis de l'avenir chez les Premiers peuples de la côte ouest. Une des réalisations de Bill Reid -- dont il devrait d'ailleurs tirer grande satisfaction -- est d'avoir joué un rôle clé dans cette évolution.


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