IN MEMORIAM : | (1920-1998) |
Notes biographiques
Éducation et apprentissage | Premières œuvres | Oeuvres monumentales
Mots et images | Bill Reid, 1920-1998 | Son legs
« L'ensemble de l'œuvre de Reid semble dégager et souligner cette qualité fondamentale de l'art haïda traditionnel de sorte que même ses créations "non traditionnelles" peuvent évoquer l'esprit haïda, esprit d'autodiscipline qui est porteur de la civilisation et de l'humanisation face à une énergie immense, d'un amour de la structure et de l'ordre au détriment de la déviation et de la libération arbitraires, et d'une passion pour l'élégance, la précision et le raffinement. »
Traduction libre, d'après Joan Vastokas, «Bill Reid and the native renaissance», Artscanada, nos.198/199 (juin 1975), p.16« Je pense que le dialogue qui s'est établi entre moi, produit de la culture nord-américaine urbaine du XXe siècle, et les conventions de l'expression artistique haïda du XIXe siècle, a produit des objets parfois assez remarquables. »
Traduction libre, d'après Bill Reid cité dans Karen Duffek, Bill Reid: Beyond the Essential Form, Vancouver : University of British Columbia Press, 1986, p.3
Bill Reid était maintenant artisan à plein temps et propriétaire d'une petite entreprise de bijouterie. C'est sa connaissance de l'art autochtone de la côte ouest qui lui a valu de travailler, entre 1965 et 1967, aux côtés de Wilson Duff et de Bill Holm à la préparation de l'exposition «Arts of the Raven», projet du centenaire de la Vancouver Art Gallery. C'est en effet à cette époque qu'il a eu l'occasion de sillonner avec Holm l'Amérique du Nord pour étudier des collections privées et publiques. L'exposition s'est démarquée en ce que l'on a voulu présenter les artefacts de la côte ouest comme produits d'un art avancé plutôt que comme objets ethnologiques. Certaines œuvres de Reid furent d'ailleurs incluses, y compris un coffret de bois cintré décoré, reproduction d'un coffret semblable que Reid avait vu à l'American Museum of Natural History. Il considérait l'original sculpté au XIXe siècle comme un chef-d'œuvre et déclarait que l'effort qu'il avait déployé pour en tirer un apprentissage constituait l'«épreuve finale» de sa compréhension du langage visuel de la conception haïda. Ce sont d'autres projets entrepris pour le centenaire qui ont mené Bill Reid à fabriquer pour la première fois un coffret en or, qui a été exposé dans le pavillon du Canada lors de l'Expo 67, et un vaste panneau en cèdre destiné au nouveau bâtiment du Musée royal de la Colombie-Britannique.
coffret en or (1967) | «Legacy» (1968) Musée royal de la Colombie-Britannique no. 16639 |
Ayant obtenu en 1968 une subvention du Conseil des Arts du Canada, il put passer une année à la Central School of Design de Londres, en Angleterre. Pendant cette période, il se consacra à l'étude des collections de la côte ouest qui se trouvent en Europe et au perfectionnement de ses techniques d'orfèvrerie. À son retour au Canada, il éprouvait le besoin de changer d'air et passa donc trois ans à travailler à Montréal. C'est pendant cette période de quatre ans qu'il a réalisé certaines des plus belles pièces des premières années de sa carrière, y compris celle qu'il a longtemps considérée comme la plus belle de toutes celles dont il était l'auteur, Raven Discovering Mankind in the Clam Shell (Le Corbeau découvrant l'humanité dans une coquille de mye), sculpture de 7,5 centimètres en bois de layeterie (1970) inspirée d'un plat en argilite réalisé par Edenshaw, ainsi qu'un plat en or presque aussi célèbre, en forme d'ours et décoré de l'Ourse allaitant ses oursons. Le Corbeau était un personnage important pour Bill Reid, non seulement à titre de héros culturel de la mythologie haïda et comme figure qui avait exercé une attraction particulière sur Edenshaw, mais aussi à cause de sa capacité à transformer des matériaux inanimés en formes dynamiques -- soit une métaphore de l'artiste. Bill Reid affirme d'ailleurs que les nombreuses caractérisations artistiques du Corbeau qu'il a réalisées sont à l'image de lui-même. Dix ans plus tard, avec l'aide d'autres sculpteurs, il a d'ailleurs produit une version massive en cyprès jaune de la miniature fabriquée en 1970 pour la collection du Musée d'anthropologie de l'université de la Colombie-Britannique. Intitulée The Raven and the First Men (Le Corbeau et les premiers hommes), cette œuvre était probablement la plus célèbre de l'artiste avant qu'il ne crée L'esprit de Haida Gwaii, œuvre qui attira l'attention du monde entier.
plat en or (1972) Musée canadien des civilisations VII-B-1574 a,b (S73-1115) |
M. Reid travaille sur la sculpture The Raven and the First Men |
photographie : George MacDonald
Un mât totémique conçu, sculpté et érigé en 1978 par Bill Reid devant les nouveaux bureaux du conseil de bande à Skidegate, village natal de la mère de l'artiste, à l'ancien emplacement de l'atelier du père de celle-ci, compte également parmi les créations les plus célébrées de Reid. Les nombreux mâts totémiques datant du XIXe siècle qui se dressaient autrefois majestueusement dans le village avaient été abattus sur l'initiative des missionnaires chrétiens. Des mâts originaux, il n'en restait qu'un seul en 1978 et il était en mauvais état. C'est ainsi que le mât totémique de Reid en vint à représenter, pour les sculpteurs aspirants de l'endroit, le refus catégorique de la culture haïda à s'éteindre, quoique Reid lui-même ait affirmé qu'il n'avait pour sa part d'autre intention que d'ériger un monument à la mémoire des ancêtres des habitants du village de Skidegate et de veiller à ce que le village conserve un mât. Un énorme potlatch a été organisé pour marquer l'érection du mât et pour remercier Reid, qui se vit remettre, à cette occasion, une couverture à boutons cérémonielle, un insigne honneur.
Bill Reid a toujours considéré que le rôle soi-disant central qui lui avait été attribué dans la «renaissance de la culture haïda» était exagéré. Il est plus enclin à concéder l'honneur à la préservation de nombreux échantillons d'art haïda dans les musées, ainsi qu'aux mesures de restauration et de préservation que ceux-ci ont permis, comme celles auxquelles il a personnellement participé dans les années 1950. Néanmoins, c'est à lui que l'on attribue d'avoir redécouvert le vocabulaire visuel fondamental de l'art haïda -- la ligne-forme étroite qui peut être façonnée en U ou exagérée en courbe ovoïde -- et de l'avoir enseigné à une nouvelle génération d'artistes.
Les conclusions auxquelles Bill Reid est parvenu intuitivement sont également celles qu'a tirées Bill Holm de l'étude systématique des artefacts et qu'il a exposées dans l'ouvrage consacré aux principes de conception intrinsèques de l'art autochtone de la côte ouest qu'il a publié. Les deux hommes ont avancé leurs convictions dans un ouvrage intitulé Form and Freedom qui a été publié en 1975 dans le contexte d'une exposition présentée à la Rice University.