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Les villages haïdas
Villages haïdas




     Haida Gwaii



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Skidegate

Skidegate

Le village moderne de Skidegate n'offre guère de témoignages de son passé créateur et tumultueux. Seul fait exception le bâtiment abritant les bureaux du conseil de bande, conçu par Rudy Kovaks et orné d'un mât sculpté par Bill Reid.

Les premiers contacts entre des Européens et la population de Skidegate semblent avoir eu lieu en juillet 1787 lorsque le capitaine George Dixon a fait mouiller son navire au large de l'entrée de l'inlet Skidegate. Il n'a pas visité le village mais a donné la première description du chef Skidegate :

Parmi tous les Indiens que nous avions vus, c'est ce chef qui avait l'apparence la plus sauvage, et à son aspect il donnait l'impression d'être la personne toute désignée pour mener une tribu de cannibales. Il était plus grand que la moyenne, maigre et élancé, et bien qu'à première vue il parût dégingandé et émacié, il marchait d'un pas ferme et assuré, et ses membres paraissaient vigoureux et musclés.

L'emploi du mot «cannibales» par Dixon est exagéré. Dixon fait allusion à la manducation rituelle de chair humaine par les initiés de sociétés secrètes. Dans certaines cérémonies, les Tsimshians, les Haïdas et les Kwakwaka'wakws (ou Kwakiutls) mordaient effectivement des personnes de haut rang, mais il est vraisemblable que les Haïdas faisaient semblant de manger la chair de cadavres humains. Le soin avec lequel ils préparaient des cadavres artificiels d'humains ou de chiens afin de duper les spectateurs des danses d'hiver et des cérémonies d'initiation est décrit plus haut dans ce module.

À peine quelques années après le passage de Dixon, de nombreux navires d'Europe et de Nouvelle-Angleterre engagés dans le lucratif commerce des peaux de loutre de mer incluaient Skidegate dans leur itinéraire. Skidegate signifie dans la langue haïda «fils du chiton». Joseph Ingraham, du brigantin Hope, de Boston, est l'un des meilleurs observateurs. Il a consigné dans son livre de bord sa première rencontre, en 1791, avec le chef du village de Skidegate :

À dix heures du soir, on a vu venir vers nous une pirogue dans laquelle il y avait à peine quatre hommes tant elle était petite. Je les ai laissés nous aborder. Ils ont dit qu'ils étaient de la tribu de Skeetkiss et avaient de la fourrure à vendre. Ils ne nous ont vendu qu'une peau quand ils ont eu la possibilité de mieux examiner nos marchandises, car le moindre défaut sur nos ciseaux ou nos poignards suffisait pour leur enlever tout intérêt à leurs yeux [...] Vers la nuit, une grosse pirogue de guerre est venue dans la baie, et après une conversation avec d'autres pirogues (peut-être relativement aux échanges), ils nous ont accostés. Dans cette pirogue, il y avait Skeetkiss, un chef éminent chez ces gens, car partout où nous sommes allés on disait de lui que c'était un homme très puissant et craint.

James Deans, un marchand de la Compagnie de la Baie d'Hudson, décrit le successeur de ce chef, qu'on appelait Skidegate le Grand :

On le surnommait le Grand parce qu'il était corpulent et riche, peut-être pas pour ses bonnes actions [...] C'était un homme d'environ six pieds, avec une toute petite tête sur un corps extrêmement gros, à ce point que la ceinture qu'il portait à la taille aurait pu entourer trois hommes de taille normale. C'était le chef le plus riche de son temps. On dit qu'il avait trente esclaves, hommes et femmes [...] Toutes les tribus voisines étaient sous sa coupe.

Les marchands de fourrures voyageant à bord de navires hésitaient à mettre pied à terre et choisissaient généralement plutôt de commercer dans la relative sécurité d'un navire bien défendu. Ingraham donne des détails précis sur la crainte que les Haïdas ont inspirée aux marchands lors de son séjour dans l'inlet Skidegate :

Le soir du 25, nous avons vu plusieurs pirogues de guerre traverser le port, de Skeetkiss au village de Cummashawaas. J'ai décidé de les surveiller attentivement par peur qu'ils mijotent quelque chose contre nous. Donc nous avons doublé la garde. Plusieurs pirogues se sont installées dans l'anse. Vers deux heures le lendemain matin, la garde m'a informé que les Indiens se rassemblaient dans la forêt. Comme quelque chose d'inusité devait avoir lieu, j'ai ordonné à tous les hommes de monter immédiatement sur le pont. Nous étions bientôt prêts à les recevoir. Nous étions sur le pont depuis cinq minutes lorsque j'ai vu les feux augmenter sur le rivage et une pirogue quitter la plage et se diriger vers nous. Un homme, à bord de cette embarcation, m'a interpellé pour me dire de regarder, qu'ils s'en allaient, alors qu'ils s'élançaient rapidement dans notre direction. J'ai donc réagi en pivotant et en faisant tirer plusieurs salves de mousquet. Tous les feux se sont immédiatement éteints et tout est devenu silencieux.


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