Les pensions gouvernementales du Canada
ont un historique long et haut en couleur qui a croisé nombre de
questions fondamentales au centre du développement du pays.
Le système de pension du Canada a vu le jour dans l'ombre des
systèmes de bienfaisance de l'ancien monde. Cette tendance s'est
poursuivie au cours des décennies suivant la
Confédération, alors que le Canada demeurait largement une
société préindustrielle dans laquelle l'on
considérait que la pauvreté, la vieillesse et
l'invalidité incombaient en premier lieu aux familles
individuelles.
Avec l'apparition de l'industrialisation au début du
20e siècle, et les mouvements importants de population
des zones rurales vers les villes, l'éclatement des grandes
familles traditionnelles qui s'ensuivit et l'expérience de la
Première Guerre mondiale ont suscité un intérêt
généralisé pour la création du premier
programme national de pensions gouvernementales en 1927. La Grande Crise
de 1929 a prouvé la fragilité des économies
industrielles dans le Monde occidental et a galvanisé le soutien de
l'élargissement du réseau de sécurité sociale
du Canada. Cette idée a rallié du soutien de la reprise
économique lorsque la Seconde Guerre mondiale a
éclaté.
La prospérité des années postérieures
à la guerre a permis aux gouvernements d'accroître
considérablement les dépenses sociales. Conformément
à la croissance internationale des pensions gouvernementales et en
raison des pressions supplémentaires exercées par les partis
politiques fédéraux et provinciaux nouvellement
créés et les groupes de pression, un système national
de pension de grande envergure et à paliers multiples a
progressivement été créé au cours de la
seconde moitié du 20e siècle. Cela a grandement
contribué à la baisse de la pauvreté chez les
personnes âgées et représente aujourd'hui plus de 25
p.100 des dépenses fédérales au Canada (42 milliards
de dollars en 2000).
De sérieuses questions quant à la viabilité
financière des pensions gouvernementales du Canada ont
commencé à se poser au milieu des années 80, et se
sont fait de plus en plus insistantes alors que l'économie
canadienne entrait dans la pire récession depuis la Crise de 1929.
À la fin des années 90, la reprise économique battait
son plein et la performance économique était parmi les
meilleures au monde. Le retour à la prospérité et les
ajustements concurrents des programmes de pensions gouvernementales ont,
pour l'essentiel, restauré l'assise financière du
système de pension et fourni des preuves qu'il serait disponible
aux générations futures.
Il faut se demander toutefois si la prospérité
économique et une gestion financière saine suffisent pour
assurer la survie des pensions gouvernementales du Canada. Il est probable
que les percées technologiques rapides, les mouvements dans le
marché du travail, la mondialisation et les pressions
internationales, et le vieillissement continu de la population contribuent
tous à l'évolution de la composition de la population active
du Canada, du niveau de prospérité du pays et de la
société canadienne dans son ensemble.
En outre, les pressions qui ont à la fois favorisé et
limité l'évolution de la politique relative aux pensions
tout au long de l'histoire du Canada ne doivent pas simplement être
remisées à l'histoire. Les relations entre les gouvernements
fédéral et provinciaux, les nouveaux partis politiques
nationaux, les développements régionaux, la
démographie, les tendances de l'immigration et l'évolution
sociale permanente peuvent tous revenir sous de nouvelles formes afin
d'alimenter le débat sur les pensions. Même la menace de
phénomènes mondiaux, comme l'incertitude économique,
l'évolution environnementale et la guerre, ne peut pas être
écartée.
Il reste encore à déterminer l'influence de ces
défis sur le système de pensions gouvernementales du Canada.
Toutefois, les 150 dernières années ont prouvé que,
quelle que soit la nature des forces influant sur la formulation des
politiques sociales au Canada, l'intérêt et l'activisme des
Canadiens ont été cruciaux pour nos pensions
gouvernementales. Cet élément essentiel continuera
d'être le principe directeur alors que les sociétés
canadiennes de l'avenir s'accommodent des développements qui les
attendent et y réagissent.
Il est intéressant de noter que l'espérance de vie
médiane prévue au Canada en 2050 est de 85,26 ans,
d'après une étude réalisée récemment
par Shripad Tuljapurkar, Ph.D. L'étude, financée par
leNational Institute on Agingaméricain, « ... laisse
supposer que les taux de mortalité poursuivront leur mouvement
historique à la baisse dans les pays du G7, à mesure que la
science continue de changer le paysage de la médecine et de la
santé publique. » (Communiqué de presse du National
Institute of Health, Life Expectancy in G-7 Industrialized Nations May
Exceed Past Predictions, Study Suggests (Bethesda, MD, 14 juin
2000).) Dans son rapport, M. Tuljapurkar constate également que
« ...la mortalité à tous les âges dans chaque
pays a baissé à un taux exponentiel régulier au cours
des 50 dernières années. ». (Ibidem)