La Grande Crise des années 30 fut
ressentie dans la plupart des pays du monde. Le Canada et les
États-Unis ne disposaient pas de programmes d'aide sociale
adéquats pour combattre une crise si profonde. En comparaison, la
majorité des pays européens faisait face à une crise
encore plus aiguë, car les effets de la Grande Crise étaient
aggravés par la mort massive de jeunes au cours de la
Première Guerre mondiale. En raison de cette baisse marquée
de la population de jeunes, la proportion de personnes âgées
en Europe augmenta considérablement. Tout au long des années
30 et 40, le Canada suivit avec intérêt les tentatives des
gouvernements étrangers pour traiter ces problèmes.
Jusqu'aux années 30, les politiques économiques de la
plupart des démocraties d'Europe de l'Ouest accordaient une place
prépondérante à l'austérité
financière et à l'équilibre des budgets nationaux.
Toutefois, au milieu des années 30, il devint évident que de
telles pratiques étaient inefficaces pour lutter contre la Grande
Crise. Un certain nombre de gouvernements adopta alors une nouvelle
série d'idées énoncées de la manière la
plus célèbre par l'économiste britannique John
Maynard Keynes dans son livre publié en 1936, intitulé
The General Theory of Employment, Interest and Money. Keynes
affirmait que la seule solution à une crise si profonde
résidait dans l'attribution d'un nouveau rôle au
gouvernement. Les gouvernements devaient participer activement à
l'orientation de l'économie de leurs pays et, pour ce faire, ils
devaient emprunter de l'argent, au besoin, pour stimuler leurs
économies grâce à des subventions, des prêts et
des programmes sociaux.
Les États-Unis ont été un des premiers pays
à tenter une initiative de grande envergure de ce genre. En 1935,
une Social Security Act fut adoptée dans le cadre du
New Deal du président Franklin D. Roosevelt. La loi
introduisait deux dispositions visant les personnes âgées: un
régime de pension non contributif semblable à la pension de
vieillesse du Canada et un régime d'« assurance »
vieillesse contributif. L'idée de ce programme devint très
populaire au Canada. En 1935, le premier ministre R.B. Bennett tenta de
mettre sur pied un régime de sécurité sociale
semblable au Canada, dans le cadre de sonNew Dealcanadien, mais la
Cour suprême jugea que les régimes nationaux de pension
contributifs étaient anticonstitutionnels et le programme ne fut
jamais mis en uvre.
La Seconde Guerre mondiale provoqua la relance économique dans
la plupart des pays occidentaux, mais elle apporta également un
bouleversement social généralisé en Europe, tout
comme la Première Guerre mondiale l'avait fait une
génération auparavant. En conséquence, au
début de la guerre, un grand nombre de personnes
commencèrent à demander des réformes sociales
fondamentales, qui n'avaient pas été apportées
après la Grande Guerre. En réponse, les gouvernements
commencèrent à élaborer des plans afin
d'éviter un déclin économique semblable. La Grande
Crise enleva le stigmate lié au chômage et à la
pauvreté, et de nombreux gouvernements travaillèrent
à la création de réseaux de sécurité
sociale qui, en temps de paix, non seulement protégeraient leurs
citoyens contre le dénuement, mais leur garantiraient
également un niveau de base de sécurité
économique en tant que droit des citoyens.
Un rapport publié en Grande-Bretagne en 1942, intitulé
Social Insurance and Allied Services, également connu sous
le nom de Rapport Beveridge, eut une grande influence sur le Canada.
L'auteur de ce rapport, Sir William Beveridge, préconisait un
système complet de sécurité sociale qui, en fin de
compte, éliminerait la pauvreté. Le système
comprendrait des programmes nationaux d'assurance-maladie, de pensions et
d'emploi. Le gouvernement travailliste britannique adopta plusieurs de ces
propositions après 1945. Ces innovations, combinées au
modèle du nouveau système américain de
sécurité sociale, offraient des possibilités que le
gouvernement canadien chercha à reproduire.
En plus des idées offertes par les gouvernements
étrangers, les institutions internationales commencèrent
à reconnaître le lien entre la sécurité sociale
et la stabilité sociale, qui était au cur des
programmes américains et britanniques. L'économie mondiale
fut davantage réglementée à la création du
Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en 1944, et
l'Organisation internationale du travail préconisa des mesures
accrues visant la sécurité sociale. En 1948, avec l'aide des
Nations Unies récemment créées, l'Organisation
internationale du travail adopta une convention confirmant le droit des
particuliers de s'organiser et de créer des syndicats, ce qui leur
fournissait des moyens de pressions afin d'obtenir de meilleures
prestations sociales.