Le premier régime de pensions
gouvernementales du Canada fut introduit en 1927 avec l'adoption de la
Loi des pensions de vieillesse. Cette loi établissait une
pension basée sur le revenu pour les hommes et les femmes de 70 ans
et plus qui avaient un revenu faible ou nul. Le coût des prestations
était partagé à parts égales entre les
provinces et le gouvernement fédéral jusqu'en 1931,
année où la part d'Ottawa fut portée à 75 p.
100. Cette augmentation découlait d'une promesse électorale
faite par le premier ministre Bennett.
Les provinces adhérèrent progressivement au programme, la
Colombie-Britannique ouvrant la voie, en 1927. Les trois autres provinces
de l'Ouest, ainsi que l'Ontario, suivirent à la fin de la
décennie. Les provinces de l'Atlantique ont été
relativement retardataires, d'une part, en raison de facteurs politiques
internes et, d'autre part, en raison de préoccupations en
matière de coût. Ces provinces n'étaient pas riches et
elles avaient une population de personnes âgées plus
importante que la moyenne.
L'Île-du-Prince-Édouard a adhéré au
programme de pensions de vieillesse en 1933, la Nouvelle-Écosse en
1934 et le Nouveau-Brunswick, en 1936. À la fin de la Prohibition,
les recettes des magasins de boissons alcoolisées du gouvernement
en Nouvelle-Écosse ont aidé à payer les pensions.
Le Québec s'est joint au programme peu de temps après le
Nouveau-Brunswick, soit en 1936. À cette époque, les
manières traditionnelles de combattre la pauvreté, en
attribuant la responsabilité aux municipalités et aux
uvres de bienfaisance, et non à l'État, avaient
été modifiées par des hommes politiques influents et
des syndicats dans la province.
Au fil des ans, des modifications apportées à la Loi
des pensions de vieillesse ont assoupli quelques-unes des conditions
d'admissibilité et ont ouvert le programme à davantage de
gens. En 1937, des prestations étaient versées aux personnes
aveugles de plus de 40 ans et, en 1947, les conditions de
citoyenneté britannique et de cinq ans de résidence
provinciale furent éliminées, alors que l'âge
d'admissibilité des pensionnés aveugles était
abaissé à 21 ans. Par conséquent, 1947 fut
également l'année au cours de laquelle il devint possible
d'être citoyen canadien, en vertu de la nouvelle Loi sur la
citoyenneté canadienne. Il est intéressant de noter
l'influence de tout cela sur la situation féminine. La Loi des
pensions de vieillesse prévoyait expressément permettre
aux veuves qui étaient sujets britanniques avant leur mariage
à une personne non britannique, de continuer à être
admissible à une pension en vertu du programme, comme tout autre
sujet britannique. Il a fallu préciser ce point, car, avant la
Loi sur la citoyenneté de 1947, on considérait
généralement qu'une femme mariée partageait la
nationalité de son mari. Elle était désormais capable
d'avoir sa propre citoyenneté.
Tandis que le dernier régime de pensions de vieillesse
représentait une amélioration par rapport aux uvres de
bienfaisance antérieures, les efforts du gouvernement en vue de
réduire au minimum les coûts de l'État et renforcer la
responsabilité familiale en matière de soins des personnes
âgées, le rendaient de plus en plus impopulaire. L'examen des
ressources, par exemple, était justifié par le fait que les
provinces obligeaient officiellement les enfants adultes à subvenir
aux besoins de leurs parents âgés, s'ils avaient les moyens
de le faire.
Les appliquants devaient prouver que leurs enfants n'avaient pas les
moyens de subvenir à leurs besoins afin d'être pris en
considération pour le versement d'une pension. Les fonctionnaires
encourageaient même certains parents âgés à
intenter des poursuites judiciaires à leurs enfants pour frais de
subsistance dans le but de décharger l'État de ses
responsabilités ou, tout au moins, de réduire les
prestations.
La disposition du programme de pensions de vieillesse, qui permettait
au gouvernement de recouvrer le montant total des prestations
versées à partir des biens des bénéficiaires
décédés, était tout aussi répugnante.
À la fin des années 40, le système de pensions de
vieillesse était discrédité. Il existait une demande
populaire de réforme pour éliminer l'examen des ressources
dégradant et abaisser l'âge minimal d'admissibilité
dans le but de venir en aide aux travailleurs qui se retrouvaient hors de
la population active avant l'âge de 70 ans.
En 1951, la pension de vieillesse maximale était de 40 $ par
mois, et 308 825 personnes participaient au programme, soit environ 47 p.
100 des Canadiens de 70 ans ou plus. En comparaison, plus de 3,5 millions
de personnes au Canada reçurent la pension maximale de la
Sécurité de la vieillesse en l'an 2000. D'après les
données de Statistique Canada, ce chiffre représente 93 p.
100 de la population âgée de 65 ans et plus, la
majorité des non-bénéficiaires étant des
nouveaux venus au Canada qui ne remplissent pas les conditions de
résidence minimales.
En 1951, la Loi sur la sécurité de la vieillesse
et la Loi pourvoyant à l'assistance-vieillesse
remplacèrent la Loi des pensions de vieillesse de 1927.
Les nouveaux programmes créés par ces lois entrèrent
en vigueur le 1er janvier 1952 et furent administrés par
le ministère fédéral de la Santé nationale et
du Bien-être social.
La Loi sur la sécurité de la vieillesse
introduisit une pension universelle à taux fixe pour les personnes
de 70 ans et plus qui avaient 20 ans de résidence au Canada
immédiatement avant l'approbation d'une demande. Les personnes qui
étaient absentes à ce moment-là pouvaient encore
recevoir des prestations si elles avaient résidé au Canada
avant la période de 20 ans pendant un temps double de celui
passé à l'étranger, pourvu qu'elles aient
passé la dernière année au Canada.
Les prestations s'élevaient à 40 $ par mois, comme elles
l'étaient depuis 1949 en vertu de la Loi des pensions de
vieillesse, soit un montant équivalent à 266 $ en l'an
2000. Le programme était géré par le gouvernement
fédéral seulement. Les pensions de la Sécurité
de la vieillesse étaient financées par une faible
augmentation (2 p. 100) de l'impôt sur le revenu et de l'impôt
des sociétés, et l'affectation d'une partie (2 p. 100
également) de la taxe sur les ventes des fabricants à cette
fin. Les personnes pouvaient se procurer les formulaires de demande des
nouvelles pensions à n'importe quel bureau de poste et, une fois
inscrit au programme, tout le monde recevait le plein montant. Les
pensionnés qui déménageaient à
l'étranger perdaient leurs prestations, mais, s'ils s'absentaient
pendant six mois ou moins, ils avaient le droit de recevoir des
prestations pour trois de ces mois à leur retour.
Le nombre de Canadiens qui touchaient les pensions de vieillesse fit
plus que doublé avec l'introduction du nouveau programme et, cette
fois-ci, les Indiens de fait y étaient inclus. Les personnes
aveugles, qui recevaient des prestations en vertu de la Loi des
pensions de vieillesse, eurent leur propre programme en vertu de la
Loi sur les aveugles adoptée en 1951. En mars 1952, les
prestations de la Sécurité de la vieillesse étaient
versées à plus de 643 000 personnes. Au cours de l'exercice
suivant, ce chiffre augmenta régulièrement et les
dépenses atteignirent 323 millions $, ou environ 7 p. 100 du budget
fédéral total. En comparaison, les dépenses de
prestations combinées de la Sécurité de la vieillesse
et du Régime de pensions du Canada totalisèrent
42 milliards $ en l'an 2000 et représentèrent environ 25 p.
100 des dépenses du gouvernement fédéral du
Canada.
Pour compléter le nouveau Programme de la sécurité
de la vieillesse, la Loi pourvoyant à
l'assistance-vieillesse établit une allocation fondée
sur le revenu à frais partagés pour les personnes
âgées de 65 à 69 ans. Les provinces administraient le
programme d'assistance-vieillesse et le gouvernement fédéral
leur remboursait la moitié des coûts des prestations
grâce à des subventions du Trésor, qui consistaient en
recettes générales. À leur 70e
anniversaire, les bénéficiaires commençaient à
recevoir la pension de la Sécurité de la vieillesse.
L'admissibilité était restreinte aux personnes de 65
à 69 ans dont le revenu tombait en dessous d'un certain seuil. Les
prestations maximales étaient fixées à 40 $ par mois,
mais, à mesure que les autres revenus s'approchaient du seuil, le
montant de 40 $ était réduit. Les conditions de
résidence étaient les mêmes que celles de la
Sécurité de la vieillesse, sauf qu'il n'était pas
nécessaire d'avoir vécu au Canada au cours de l'année
précédant immédiatement le début du versement
des prestations. Les prestations d'assistance-vieillesse n'étaient
pas versées au cours des périodes d'absence du Canada.
Il n'y avait aucune condition de citoyenneté et les Autochtones
étaient admissibles à ce programme, mais les personnes qui
recevaient des allocations d'ancien combattant ou d'aveugle étaient
exclues. Il importe de noter que le gouvernement fédéral
n'insistait plus pour que les provinces tentent de recouvrer les pensions
versées à partir des biens des pensionnés
décédés. Un peu plus d'un an après
l'entrée en vigueur de l'assistance-vieillesse, le 31 mars 1953,
environ 20 p. 100 de la population âgée de 65 à 69 ans
recevaient ces prestations.