Le système de revenu de retraite
que les Canadiens ont connu dans les années 90 résulte
d'initiatives prises pendant la plus grande partie du siècle. De
l'introduction hésitante de la pension de vieillesse en 1927,
à la première pension universelle en 1952, jusqu'à la
création du Régime de pensions du Canada et du Régime
de rentes du Québec dans les années 60 et à
l'expansion et aux réformes des années 70 et 80, le pays a
progressivement édifié une structure de pensions
gouvernementales qui a grandement amélioré la qualité
de la vie des personnes âgées. La nature essentielle de cette
structure est demeurée intacte dans les années 90, mais elle
subissait les pressions exercées par le vieillissement de la
population et l'endettement du gouvernement fédéral. Au
cours de cette période, les initiatives étaient axées
sur le défi que représentent l'accessibilité et la
viabilité financière.
Le Programme de la sécurité de la vieillesse continuait
de former le premier palier du système de revenu de retraite du
Canada. La pension de base de la Sécurité de la vieillesse,
qui était disponible à tous les Canadiens de 65 ans et plus
qui remplissaient les conditions de résidence, était
indexée trimestriellement afin d'offrir une protection contre
l'inflation. Les personnes qui ne remplissaient pas les conditions de
résidence en vue d'une pension intégrale pouvaient recevoir
des prestations partielles. Toutefois, les pensionnés dont le
revenu net était supérieur à 53 960 $ en 2000
devaient rembourser une partie ou l'intégralité de leur
pension de base de la Sécurité de la vieillesse par le
système fiscal. En 2000, l'intégralité des
prestations versées aux pensionnés ayant un revenu net de 87
025 $ était retenue. Cette « récupération
fiscale » touchait environ 5 p. 100 des prestataires.
Les pensions de la Sécurité de la vieillesse
étaient augmentées au moyen d'un Supplément de revenu
garanti versé aux pensionnés de la Sécurité de
la vieillesse à faible revenu. Trente-sept p. 100 des
pensionnés de la Sécurité de la vieillesse recevaient
ce supplément, soit environ 1,4 million de personnes par mois au
début de 2000. Une allocation était offerte aux conjoints
âgés de 60 à 64 ans de bénéficiaires du
Supplément de revenu garanti. Une allocation était
également versée à tout survivant de 60 à 64
ans qui y était admissible en remplissant les conditions de revenu
et de résidence. En 1999, des prestations de la
Sécurité de la vieillesse étaient versées
à 3,7 millions de Canadiens, au coût d'environ 24 milliards
de dollars. Les femmes représentaient 57,4 p. 100 des
bénéficiaires.
Le deuxième palier de la structure de revenu de retraite se
composait du Régime de pensions du Canada et du Régime de
rentes du Québec. Ces ensembles de prestations contributives et
liées au revenu assuraient une mesure de protection aux cotisants
et à leurs familles contre la perte de revenu en cas de retraite,
d'invalidité ou de décès. Jusqu'à 1987, les
pensions de retraite commençaient à être
versées à 65 ans et s'élevaient à 25 p. 100
des gains moyens ouvrant droit à pension du cotisant au cours de sa
période de cotisation. Toutefois, les dispositions de retraite
souple introduites en 1987 permettaient de prendre sa retraite n'importe
quand après l'âge de 60 ans, les prestations étant
ajustées en conséquence.
À partir des années 1990, le revenu de retraite
disponible à travers les pensions gouvernementales du Canada a
fourni aux personnes âgées un montant équivalent
à une grande partie de leur revenu d'emploi avant leur retraite. Il
est important de savoir quel montant du revenu de la préretraite
sera remis dans la retraite afin de planifier celle-ci efficacement.
G. Schellenberg, La retraite : les changements
démographiques et économiques des dernières
années. Centre de statistiques internationales (Ottawa, 1994),
page 17.
De la fin des années 80 au début des années 90, le
nombre de demandes de prestations d'invalidité
présentées au Programme de prestations d'invalidité
du Régime de pensions du Canada a considérablement
augmenté. Le nombre de cas et les dépenses ont
également augmenté. Une brève enquête de
l'expérience des programmes de prestations de maladie de longue
durée et d'invalidité dans d'autres pays membres de
l'Organisation de coopération et de développement
économiques révèle que le Canada n'était pas
le seul pays confronté à une augmentation du nombre de
bénéficiaires de prestations d'invalidité à la
fin des années 80, une période de récession
économique.
À partir de 1985, le nombre de personnes présentant une
demande de prestations d'invalidité du Régime de pensions du
Canada a considérablement augmenté au cours de la
décennie. Le nombre de demandes a grimpé de 78 p. 100 en
cinq ans, passant de 61 303 en 1988-1989 à 109 001 en 1993-1994,
année où les conditions d'admissibilité ont
changé. Toutefois, les modifications législatives
n'étaient pas le seul facteur menant à l'augmentation
considérable du nombre de cas et des coûts. Parmi les autres
facteurs importants ayant contribué à la croissance du
nombre de cas, mentionnons la meilleure information sur le programme et
ses prestations, les efforts redoublés des programmes d'aide
sociale provinciaux pour renvoyer les clients au Programme de prestations
d'invalidité du Régime de pensions du Canada afin de
réduire leurs propres coûts, l'évolution des
conditions de travail et le licenciement des travailleurs
âgés, et le renvoi des clients au Programme de prestations
d'invalidité du Régime de pensions du Canada par les
compagnies d'assurance, qui étaient également
confrontées à une augmentation du nombre de demandes de
prestations.
Les prestations d'enfant et de conjoint survivant offraient aux
familles une assurance estimable contre la perte de revenu à
l'invalidité ou au décès d'un cotisant.
L'égalité de traitement des hommes et des femmes
était enchâssée dans le Régime de pensions du
Canada, tout comme la reconnaissance des unions de fait. Les femmes
avaient fait des percées remarquables au cours des décennies
précédentes. Le partage des crédits était
désormais obligatoire pour les couples qui divorçaient et
disponible sur demande aux époux et conjoints de fait
séparés. Les couples de plus de 60 ans qui continuaient de
cohabiter avaient l'option de partager leurs prestations du Régime
de pensions du Canada. Il y avait également une « clause
d'exclusion pour élever des enfants », qui permettait aux
parents qui n'avaient pas travaillé pour élever leurs
enfants d'exclure les périodes de faible revenu du calcul du
montant de leur pension.
Exclus du Régime de pensions du Canada à son
entrée en vigueur parce qu'ils ne payaient pas d'impôt sur le
revenu et ne disposaient donc pas des moyens normaux de verser des
cotisations obligatoires, les Autochtones qui gagnaient leur revenu dans
les réserves pouvaient désormais y participer volontairement
en effectuant des retenues salariales.
La Sécurité de la vieillesse et le Régime de
pensions du Canada étaient tous deux inclus dans les accords
internationaux de sécurité sociale que le Canada avait
signés avec d'autres pays. Cela permettait à une personne
qui avait vécu et travaillé dans un autre pays d'être
admissible aux prestations de sécurité sociale de ce pays ou
du Canada. Une personne était admissible à ces prestations
si elle avait vécu et travaillé dans un pays qui avait
conclu un accord réciproque de sécurité sociale avec
le Canada et en accumulant des crédits dans le régime de
sécurité sociale de ce pays. En juillet 2000, 38 accords de
ce genre étaient en vigueur, d'autres devant être
signés.
Le Régime de pensions du Canada a fait l'objet du changement le
plus important au cours des années 90. En 1998, les
préoccupations quant à la disponibilité des fonds en
vue de la retraite prochaine de la génération du baby-boom
de l'après-guerre a débouché sur des réformes
visant à assurer la viabilité financière. La loi mise
en œuvre cette année-là stipulait que les taux de
cotisations augmenteraient rapidement à 9,9 p. 100 (parts
combinées de l'employeur et de l'employé) des gains ouvrant
droit à pension d'ici 2003, et resteraient à ce taux par la
suite. Avec l'introduction de ce taux de cotisation stable, le
Régime de pensions du Canada aurait suffisamment de réserves
pour verser l'équivalent de cinq ans de prestations, comparé
à l'équivalent de deux ans de prestations à l'heure
actuelle.
Afin d'obtenir un taux de rendement plus élevé, le
placement des cotisations au Régime de pensions du Canada serait
plus diversifié. En vertu de la politique précédente,
les fonds du Régime de pensions du Canada étaient
placés uniquement dans des titres provinciaux et
fédéraux essentiellement sans risque. En vertu de la
nouvelle politique, ces fonds peuvent également être
placés dans le marché des actions. L'Office d'investissement
du Régime de pensions du Canada, qui doit rendre des comptes aux
Canadiens, est indépendant du gouvernement et du Régime
proprement dit, a été établi pour effectuer ces
placements.
Lors du calcul des prestations de retraite, l'on se fonde sur les gains
maximums des cinq dernières années, au lieu des trois
dernières années, pour calculer les gains moyens ouvrant
droit à la pension de toute une vie. Afin d'accroître le
nombre de cotisants au Régime de pensions du Canada et d'augmenter
les recettes du Régime à un taux de cotisation donné,
l'exemption de base de l'année a été maintenue
à 3 500 $. En 2000, l'exemption de base de l'année
était de 3 500 $. Le maximum des gains annuels ouvrant droit
à pension était établi à 37 600 $. Le taux de
cotisation combiné de l'employeur et de l'employé
était de 7,8 p. 100 (3,9 p. 100 chacun) sur les gains se trouvant
entre ces deux limites. Selon les estimations, il y avait 10,1 millions de
cotisants.
La prestation forfaitaire de décès sera maintenue
indéfiniment au montant réduit de 2 500 $, et les conditions
d'admissibilité aux prestations d'invalidité sont devenues
plus strictes, alors que les bénéficiaires de prestations
combinées, comme ceux qui recevaient simultanément une
prestation de retraite et une prestation de survivant, ont
été assujettis à de nouvelles règles qui
pouvaient réduire le montant global des prestations.
Des initiatives ont également été lancées
pour s'attaquer à l'augmentation des coûts du Programme de la
sécurité de la vieillesse. En 1996, confronté
à une situation financière difficile, le gouvernement
fédéral a proposé un changement à l'ensemble
de revenu des personnes âgées existant composé de la
pension de la Sécurité de la vieillesse et du
Supplément de revenu garanti. Il proposait de le remplacer par une
prestation mensuelle unique liée au revenu appelée la
Prestation aux aîné(e)s. Toutefois, la situation
financière s'étant améliorée, ce nouveau
programme n'était plus nécessaire.
Le ministre des Finances Paul Martin a résumé le
changement des projets du gouvernement dans un communiqué de presse
daté du 28 juillet 1998 comme suit :
[Traduction]
« Par conséquent, compte tenu des améliorations
structurelles du système de pensions gouvernementales et du
revirement des perspectives économiques du pays, et par suite de
notre engagement à l'égard de la gestion financière
saine, le gouvernement annonce aujourd'hui qu'il abandonne la Prestation
aux aîné(e)s proposée. Le système de SV/SRG en
vigueur sera entièrement maintenu. » (Communiqué
de presse du ministère des Finances du Canada,
Déclaration du ministre des Finances sur la Prestation aux
aîné(e)s (Ottawa, le 28 juillet 1998).)
Même si la Prestation aux aîné(e)s n'est jamais
entrée en vigueur, d'autres changements ont été
apportés au Programme de la sécurité de la vieillesse
afin de maîtriser les coûts. En 1996, un impôt des
non-résidents a été introduit pour les
bénéficiaires de la Sécurité de la vieillesse
et du Régime de pensions du Canada habitant à
l'étranger. Une retenue d'impôt de 25 p. 100 était
imposée aux pensions versées à l'étranger,
à moins que les prestataires n'habitent dans un pays qui avait
signé une convention fiscale avec le Canada. Dans ce cas, la
retenue d'impôt serait moindre, et pouvait même être
nulle. Les bénéficiaires à faible revenu pouvaient
demander une réduction supplémentaire, s'ils avaient produit
une déclaration de revenus de l'année
précédente.
Une récupération fiscale des prestations de la
Sécurité de la vieillesse auprès des
non-résidents a également été introduite.
Calculée selon les mêmes critères que la
récupération fiscale ordinaire, elle devait s'appliquer en
plus de l'impôt des non-résidents, les limites relatives aux
conventions fiscales étant les mêmes. Pour la première
fois, également, la récupération fiscale visant les
prestataires à revenu élevé était
déduite avant l'envoi du paiement.
La dernière réforme du Régime de pensions du
Canada et de la Sécurité de la vieillesse au cours de cette
période n'était pas une mesure de réduction des
coûts, mais une initiative de modernisation. En 2000,
l'égalité de traitement des couples de même sexe a
été introduite dans toutes les lois fédérales.
Le mot « époux » continuait de s'appliquer aux
partenaires d'un mariage légal, mais les membres de couples de
même sexe étaient désormais couverts dans la
définition des conjoints de fait. Pour tenir compte de ce
changement, l'Allocation au conjoint de la Sécurité de la
vieillesse a été appelée Allocation, et l'Allocation
au conjoint pour veufs et veuves est devenue l'Allocation au survivant. De
même, l'admissibilité aux prestations de survivant et
à la disposition de partage des crédits du Régime de
pensions du Canada était étendue aux couples de même
sexe.