Àl'époque de la
Confédération, en 1867, le Canada était
principalement une société agricole pré-industrielle.
La plupart des gens appartenaient à des familles nombreuses dont la
grande majorité exploitait des fermes. En subvenant aux besoins de
familles entières, de génération en
génération, la ferme représentait une ressource des
plus estimables.
Cette structure sociale avait de sérieuses répercussions
sur les personnes âgées ou handicapées. Ceux qui
étaient incapables de travailler à cause d'un handicap
dépendaient entièrement de leurs familles pour subvenir
à leurs besoins durant toute leur vie.
Les personnes âgées exploitaient leurs fermes
jusqu'à ce que leurs enfants, une fois adultes, puissent en prendre
la succession. Plusieurs d'entre eux continuaient à travailler avec
leurs enfants, parfois jusqu'à la toute fin de leur vie. En
compensation, les aînés habitaient leur maison et pouvaient
compter sur leurs enfants pour recevoir les soins dont ils avaient besoin
tout au long de leur vieillesse.
Ainsi, ni la pratique de la retraite (c'est-à-dire cesser de
travailler à un certain âge) ni le concept du versement d'un
revenu de retraite aux personnes âgées n'étaient
courants chez la grande majorité de la population au cours de cette
période. On s'attendait à ce que les gens exploitent la
ferme familiale aussi longtemps qu'il leur était physiquement
possible de le faire. Dans ce même ordre d'idées, on
considérait que les personnes incapables de participer pleinement
méritaient d'être aidées.
Ceux dont la famille ne possédait pas de terres agricoles
avaient la vie beaucoup plus difficile dans leur vieillesse. Les personnes
qui ne pouvaient compter sur un grand réseau familial survivaient
en occupant un emploi rémunéré. Au fur et à
mesure que leur capacité de travailler baissait en raison de la
vieillesse ou d'une invalidité, de nombreuses personnes
âgées finissaient par sombrer dans la misère et
dépendre des œuvres de bienfaisance et de charité.
Toutefois, on ne considérait pas encore que la retraite
était un droit des personnes âgées parce que le
système industriel ne reconnaissait pas encore entièrement
le problème. Comme un très grand nombre de personnes
âgées continuaient à travailler aussi dur que les
jeunes jusqu'à la fin de leur vie, elles n'étaient pas
traitées différemment des autres pauvres lorsqu'elles
devenaient indigentes.
Les personnes âgées nécessiteuses recevaient le
même support que les jeunes dans la même situation. On ne leur
donnait qu'une aide d'urgence suffisamment faible pour les encourager
fermement à obtenir du travail ou on leur trouvait une place dans
un asile de pauvres. Ce genre d'institution était extrêmement
inconfortable, de sorte que les pauvres y recouraient en dernier
ressort.
À la fin du 19e siècle, alors que le processus
d'industrialisation commençait à toucher la
société canadienne, le nombre de personnes
âgées qui tombaient dans la pauvreté allait en
augmentant. Les villes accueillaient de plus en plus d'usines et celles-ci
réclamaient de plus en plus d'ouvriers. Entre-temps, à la
campagne, la population augmenta considérablement forçant
certains à quitter leurs fermes pour se trouver des emplois
rémunérés dans les centres urbains. Les modestes
salaires offerts par l'industrie ne permettaient guère de faire des
économies et souvent, quand ils devenaient trop vieux pour
travailler, les Canadiens n'arrivaient plus à subvenir à
leurs propres besoins.
Privés des liens étroits de la famille ainsi que de
l'encadrement religieux et social du monde rural pré-industriel, de
plus en plus de gens avaient recours aux œuvres de bienfaisance et à
la charité privée. Au tournant du siècle, la situation
précaire des personnes âgées et pauvres fut enfin
reconnue. Pour la première fois, vers 1900, il fut établi
que les personnes âgées constituaient un groupe distinct
parmi les pauvres et de nouveaux mouvements de réforme sociale
commencèrent à remettre en question la pertinence du
traitement qui leur était réservé.