Les réformateurs sociaux qui
réclamaient des pensions pour les personnes âgées ont
soulevé la question sur la scène politique nationale. Au
cours de la première décennie du 20e
siècle, la question relative au genre d'aide (le cas
échéant) à laquelle les personnes âgées
avaient droit fut débattue à maintes reprises au cours des
deux années précédant l'adoption de la Loi relative
aux rentes de l'État de 1908. Au début de 1907, deux
membres du Sénat au franc parler ont fait connaître leurs
points de vue sur les avantages d'un régime de rentes par
opposition à un système de pension.
Sir Richard Cartwright (1835-1912), de Kingston, en
Ontario, était un sénateur libéral et le ministre de
l'Industrie et du Commerce dans le gouvernement de Wilfrid Laurier en
1907. Il participa étroitement à l'élaboration du
projet de loi sur les rentes de l'État. Malgré son argument
en faveur du versement de pensions aux personnes âgées
« méritantes » qui avaient travaillé toute leur
vie, Cartwright ne souhaitait pas appuyer un système national de
pension parce que, selon lui, cela découragerait les personnes
d'épargner de l'argent pour leur vieillesse :
[Traduction]
« Je pense que, dans bien des cas
un régime de
[pension] encouragerait l'extravagance et il en résulterait que le
travailleur parcimonieux et industrieux se retrouverait forcé en
fin de compte de supporter le fardeau de son compagnon moins travailleur,
qui a probablement mené une vie dissolue. »
(Débats du Sénat du Dominion du Canada, 1906-1907.
Troisième session, dixième législature (Ottawa,
1907), page 331.)
Cartwright fit valoir que les travailleurs épargneraient de
l'argent s'ils étaient encouragés à le faire :
[Traduction]
«
il y a très peu de risque qu'un homme besogneux,
travailleur et physiquement apte ne puisse épargner suffisamment
pour sa vieillesse, si seulement une chance lui était
donnée. »
(Ibidem, page 331.)
Donald Ferguson (1839-1909), de Marshfield, à
l'Île-du-Prince-Édouard, était un sénateur
conservateur bien en vue en 1907. Il était en faveur de la majeure
partie du projet de loi sur les rentes sur l'État proposé
parce qu'il pensait qu'un tel régime encouragerait
la prévoyance et l'épargne, même s'il
alléguait qu'il serait plus attrayant pour la classe moyenne. Les
arguments de Ferguson traduisent la sensibilisation croissante aux
difficultés des personnes âgées pauvres au cours de
cette période. À la même époque, il soulignait
la responsabilité du gouvernement de n'aider que les personnes
âgées dignes de recevoir une aide :
[Traduction]
« Les conditions des asiles des pauvres se sont grandement
améliorées depuis que Dickens a écrit Oliver Twist,
mais aucun humanitarisme appliqué ne peut faire oublier à un
bon nombre des plus méritants le fort sentiment de honte
d'être obligés d'accepter cette forme
d'aide. »
(Ibidem, page 712.)
Un régime de rentes rétablirait la dignité de ces
personnes et les encouragerait à faire attention à leur
argent :
[Traduction]
« Il n'y a rien de mieux que de donner de l'espoir au
salarié et de lui offrir la certitude absolue qu'il aura une
certaine aide lorsqu'il sera vieux. Cela encourage la parcimonie
plutôt qu'autre chose. »
(Ibidem, page 713.)