Les pensions gouvernementales ont un
historique de longue date et ont beaucoup évolué au cours
des ans. Leur apparition date au moins du 11e siècle,
lorsqu'elles furent introduites en Chine par l'Empereur Wang An-shih
(1021-1086). Toutefois, dans les pays industrialisés, les
systèmes nationaux de pension d'aujourd'hui n'ont vu le jour qu'au
cours des 150 dernières années environ.
L'industrialisation s'est produite dans de nombreux pays de l'Europe de
l'Ouest à compter de la fin du 18e siècle. Les
méthodes de résolution des problèmes sociaux à
l'étranger ont fourni des idées et des exemples aux
Canadiens.
L'Allemagne ne devint un pays unifié qu'en 1871. Il fut le
premier pays occidental à adopter un programme national de pensions
gouvernementales en 1889. Pour atteindre le niveau d'industrialisation
dont jouissaient la plupart des autres pays européens à
cette époque-là, le gouvernement allemand, dirigé par
le chancelier Bismarck, prit contrôle de l'économie du
pays.
Sous Bismarck, un régime de pension cotisable fut établi
afin de permettre aux travailleurs de cotiser à un fonds de pension
tout au long de leur vie active. À la retraite, à 65 ans,
ils recevaient alors des prestations de pension régulières.
Ces prestations fournirent aux gens la sécurité dont ils
avaient besoin pour quitter les exploitations agricoles familiales pour un
emploi rémunéré. Ceci favorisa le
développement d'une main-d'uvre industrielle importante.
L'Allemagne demeura le chef de file de l'Occident dans ce domaine jusqu'au
début du 20e siècle grâce à des
innovations comme les prestations de survivant (introduites en 1911).
Malgré l'avancement de l'Allemagne dans le domaine des pensions
gouvernementales, c'est le système britannique d'uvres de
bienfaisance qui a eu l'influence la plus marquée sur le
développement de l'aide sociale dans le Canada anglais.
En Grande-Bretagne, l'Elizabethan Poor Law de 1601 créa
un système local de lutte contre la pauvreté en octroyant
aux paroisses individuelles la responsabilité des interventions en
matière d'assistance. Le Poor Law Amendment Act de 1834
(aussi appelée la New Poor Law) regroupa les paroisses en
unités administratives plus grandes appelées des
organisations des droits des pauvres, mais il s'agissait encore d'un
système très décentralisé.
La New Poor Law faisait la distinction entre les pauvres
« méritants » et « non méritants »
et entre l'aide « dans les institutions » et l'aide
« à domicile ». Les pauvres « non
méritants » étaient considérés comme
ayant la capacité de travailler et ils étaient assujettis
à l'aide « à domicile », ce qui signifiait
qu'ils étaient obligés de s'installer dans un asile des
pauvres où ils travaillaient en échange d'une maigre ration
alimentaire et d'un toit. Les pauvres non méritants recevaient
suffisamment d'aide pour survivre, mais ce système les maintenait
plus pauvres que les travailleurs les plus pauvres. C'est ce que l'on
appelait le principe des « moins admissibles » conçu
pour encourager les pauvres valides à travailler.
En revanche, les pauvres « méritants » comprenaient
les personnes âgées, les orphelins, les personnes malades et
les personnes handicapées. Comme ils étaient incapables de
travailler, on leur donnait parfois une aide « à
domicile » (de l'argent directement), mais les asiles des pauvres
étaient parfois leur seul recours. Les conditions des enfants
pauvres, appelés les « enfants de maisons » ou les
« enfants de Barnardo » étaient tellement horrifiantes
qu'un mouvement organisé prit forme pour les envoyer en masse dans
les colonies (c.-à-d. Canada, Australie, Nouvelle-Zélande)
comme travailleurs engagés à long terme, dans l'espoir
d'accroître leurs chances de survie. Évidemment, il
n'existait pas de telle solution pour les personnes
âgées.
Toutefois, vers les années 1880, les gens furent de plus en plus
nombreux à prendre conscience du problème des personnes
âgées pauvres en Grande-Bretagne, car un nombre de plus en
plus élevé de personnes ayant travaillé pendant toute
leur vie, ainsi que leurs épouses, tombaient dans la misère
et étaient parfois forcés de s'installer dans les asiles des
pauvres. Au fur et à mesure qu'un nombre croissant d'hommes,
membres de la classe ouvrière et, finalement de femmes, obtinrent
le droit de vote, les difficultés des personnes âgées
pauvres devinrent un enjeu politique important. En 1908, le gouvernement
britannique prit la première mesure en introduisant un
régime de pension non cotisable pour toutes les personnes de plus
de 70 ans qui y étaient admissibles, suite à un examen de
leurs moyens d'existence. Une évolution semblable du droit
constitutionnel au Canada, alors qu'un nombre croissant de personnes
obtenait le droit de vote, a contribué à
l'édification du système de pensions gouvernementales du
pays après la Première Guerre mondiale.
L'importance du rôle de l'Église catholique dans les
uvres de bienfaisance au Québec distingua le régime
d'aide sociale de cette province de celui des autres provinces au cours de
cette période et pendant une bonne partie du 20e
siècle. Ceci était dû au fait qu'à compter de
1774, année où le Parlement britannique promulgua l'Acte
de Québec, le rôle prépondérant de
l'Église catholique dans bien des aspects de l'élaboration
de la politique sociale de cette province, notamment l'éducation et
les uvres de bienfaisance, était protégé.
Il est intéressant de noter que, même si les
Américains possédaient un régime national de pensions
de service militaire après la guerre de Sécession, la
Constitution américaine présentait des difficultés
relativement aux pouvoirs du gouvernement fédéral et de
celui des États, tout comme celles éprouvées au
Canada. Ce n'est qu'en 1935 qu'un régime national est entré
en vigueur aux États-Unis, à la promulgation de la
Social Security Act américaine.