Les programmes de pensions pour les
personnes âgées et les personnes handicapées furent
mis en place au Canada plus tard que dans de nombreux pays de l'Europe de
l'Ouest. Plusieurs facteurs contribuèrent au rythme plutôt
lent de la transition.
Il faut d'abord tenir compte du fait que l'industrialisation du Canada
s'est faite plus tardivement qu'en Europe. Ce n'est que vers la fin du
19e siècle, avec la multiplication des manufactures, que
les gens de la campagne commencèrent à migrer en masse vers
les centres urbains. Il a donc fallu plus de temps pour qu'émergent
au sein de la société canadienne les problèmes
sociaux engendrés par le déclin du mode de vie agricole
traditionnel (en particulier celui des pauvres âgés ou
handicapés).
La nature même de la Constitution du Canada a aussi
contribué à la lenteur du processus d'élaboration des
programmes nationaux de pensions. La Loi constitutionnelle, telle
que consacrée dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867 décrivait, aux articles 91 et 92
respectivement, les pouvoirs des gouvernements fédéral et
provinciaux. À cette époque, les provinces détenaient
le pouvoir d'instaurer des politiques d'aide sociale. Au 19e
siècle, l'administration des uvres de bienfaisance et de
charité se faisait aux niveaux provincial et local (sous la
supervision de la province). Alors que le problème des personnes
âgées et pauvres devenait un enjeu politique national au
début du 20e siècle, les gouvernements
fédéral et provinciaux devaient tous les deux tenir compte
des pouvoirs qui leur étaient conférés par la Loi
constitutionnelle de 1867.
En plus de la question constitutionnelle de la répartition des
pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux, le
gouvernement fédéral a dû relever son propre
défi en adoptant la Loi relative aux rentes sur
l'État en 1908. Cette loi représentait le premier
programme national d'aide aux personnes âgées. Le Canada
commençait à peine à faire face aux graves
problèmes sociaux résultant de l'industrialisation et de
l'urbanisation de sorte que la fonction publique du pays n'était
pas suffisamment importante ni suffisamment préparée pour
relever ces défis.
L'établissement et l'administration de tout programme national
de pension serait une entreprise d'envergure pour le gouvernement
fédéral. De nombreux parlementaires pensaient encore que
l'aide aux personnes âgées relevait du domaine privé,
ce qui rendait la tâche plus difficile. Le peu d'employés et
de ressources qui existaient à l'époque n'a pas servi
à cette cause.
Ni les programmes d'aide sociale provinciaux, ni le programme
fédéral créé par la Loi relative aux
rentes sur l'État de 1908 ne visaient les Autochtones du
Canada. Selon le paragraphe 91(24) de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, la responsabilité de gouverner les
Premières nations était conférée au
gouvernement fédéral. Les Autochtones étaient
régis par l'Acte des Indiens de 1876, qui
établissait un système différent d'aide sociale pour
ceux qui avaient le « statut » d'Indien. Ceci faisait parti
d'un mouvement général visant à assimiler des aspects
de leur culture à la culture dominante canadienne. Ce n'est que
dans les années 50 que les Autochtones du Canada
commencèrent à participer au régime national de
pension.