Le Canada était une nation
fière à la fin des années 60. L'économie
était prospère et le chômage était faible. Expo
67, l'exposition universelle tenue au Canada, qui coïncidait avec le
100e anniversaire de la Confédération, venait de
prendre fin. Il avait attiré 50 millions de visiteurs du monde
entier à Montréal.
Les deux décennies suivantes furent marquées par un
certain nombre de changements sociaux : la génération du
« pouvoir des fleurs », la révolution sexuelle,
l'influence décroissante de l'église sur les individus,
l'informatisation, l'acceptation accrue du divorce, les familles
monoparentales, les droits des homosexuels et la libération de la
femme. Nombre de ces changements influèrent sur les membres des
organismes législatifs fédéraux, provinciaux et
municipaux.
Un des développements les plus mémorables fut
l'intégration en grand nombre des femmes à la population
active, ce qui eut des effets prononcés sur leur rôle
traditionnel de personnes au foyer et de responsables de
l'éducation des enfants. Cela modifia la composition de
l'unité familiale conventionnelle et contribua en partie à
la baisse du taux de natalité et à l'augmentation du
chômage.
La croissance du système de revenu de retraite du Canada
à compter du début du 20e siècle aida
progressivement les personnes âgées à atteindre un
niveau sans précédent d'indépendance
financière.
L'introduction du Régime de pensions du Canada et du
Régime de rentes du Québec en 1966 a considérablement
élargi la portée du système de pensions
gouvernementales du Canada. En conséquence, l'importance de ces
pensions s'accrût comparativement aux régimes de pensions
privés que les employeurs offraient à leurs employés.
En 1971, le Supplément de revenu garanti devint un programme
permanent. En 1975, l'Allocation au conjoint fut mise en place et,
à cette époque-là, les régimes de pensions
gouvernementales représentaient près de la moitié du
revenu des Canadiens âgés. Le reste provenait des
régimes de pensions d'employeur, de l'épargne et des
placements privés.
L'inflation fut élevée au cours des années 70 et
80, en raison tout d'abord de la crise du pétrole de 1973 et,
ensuite, des vagues successives de récessions économiques.
Toutefois, contrairement à la période d'inflation
élevée qui suivit la Seconde Guerre mondiale, où les
prestations de la Sécurité de la vieillesse restaient
bloquées à 40 $ par mois, les prestations de pensions
gouvernementales tenaient compte du coût de la vie.
Un changement administratif important fut également
apporté à cette période. En 1988, l'introduction du
dépôt direct - le dépôt par moyen
électronique des prestations directement dans le compte bancaire
des prestataires - fut proposé afin de réduire les frais
d'administration et de faciliter la réception des prestations par
les personnes moins mobiles. Le dépôt direct des prestations
de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de
pensions du Canada fut introduit en novembre 1990 et, en 1994, une entente
fut conclue avec l'American Bankers Association afin de verser
par dépôt direct les prestations des personnes qui habitaient
aux États-Unis. Aujourd'hui, environ 85 p. 100 des prestataires de
pension reçoivent leurs prestations par dépôt
direct.
L'importance des pensions gouvernementales pour les personnes
âgées a contribué à changer la
compréhension de la vieillesse dans la société
canadienne. La nature universelle de la Sécurité de la
vieillesse et la grande attention accordée aux pensions
gouvernementales au fil des ans ont aidé à éliminer
tout sentiment de honte associé à la réception de
prestations de pension. Parallèlement, l'amélioration
considérable de la santé des personnes âgées du
Canada leur a permis de vivre plus longtemps et de mener une vie plus
gratifiante.
À mesure que le gouvernement fédéral essayait de
réduire le coût des régimes de pensions
gouvernementales dans les années 80, les organisations de personnes
âgées révélaient leur vigueur. En 1985, elles
réussirent à s'opposer à un projet visant à
limiter la protection de la Sécurité de la vieillesse contre
l'inflation après qu'une manifestation sur la Colline du Parlement
ait reçu une importante couverture médiatique. Un tel
pouvoir de persuasion devint la marque d'une nouvelle vague
d'organisations de personnes âgées activistes, et l'influence
de ces groupes (qui sont devenus collectivement connus sous le nom de
mouvement du « pouvoir gris ») continua à croître
à mesure que la proportion de personnes âgées dans la
société canadienne augmentait considérablement.
Les personnes âgées n'étaient pas les seules
à mieux s'organiser et à avoir leur franc-parler au cours de
cette période. Alors que la récession du début des
années 70 mettait un terme à la croissance économique
très rapide qui caractérisait la société
canadienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux
Canadiens commencèrent à remettre en question les valeurs de
leur société.
Des groupes de femmes, comme le Comité national d'action sur la
situation de la femme, de personnes handicapées et d'Autochtones,
comme l'Assemblée des Premières nations, comptaient parmi
les nombreux groupes socialement marginalisés qui
commencèrent à lutter pour que l'on accorde davantage
d'attention à leurs besoins. Leurs revendications furent
renforcées le 17 avril 1982 à l'adoption de la Charte
canadienne des droits et libertés, confirmant officiellement
les droits des Canadiens à vivre sans discrimination.
Ce nouvel activisme social aida à présenter les
problèmes auxquels les groupes marginalisés étaient
confrontés lors des débats sociaux et politiques de l'heure.
Ceux-ci favorisèrent à leur tour l'amélioration de la
politique des pensions gouvernementales adoptée au cours des
années 70 et 80 et qui influa sur ces groupes.