Le Canada était une nation
prospère à la fin des années 60, mais un nombre
inacceptable de Canadiens âgés vivaient encore dans la
pauvreté. Au cours des années 70 et 80, il y eut une
expansion et une réforme importantes des programmes de revenu de
retraite du gouvernement fédéral, alors que la politique
portait de plus en plus sur la canalisation des ressources vers les
personnes âgées à faible revenu. Cette ère de
réforme déboucha en 1987 sur ce qui a peut-être
constitué les modifications les plus radicales apportées au
Régime de pensions du Canada depuis son entrée en vigueur 21
ans plus tôt. Les modifications furent le résultat d'un long
processus de négociations entre les gouvernements
fédéral et provinciaux.
Au cours des années 60, les Canadiens étaient optimistes,
ils croyaient que l'économie continuerait à croître et
que, compte tenu de la santé financière du pays, toute
expansion du système de revenu de retraite ne serait pas trop
onéreuse. Toutefois, au cours des deux décennies qui
suivirent, il y eut un certain nombre de récessions
économiques. En outre, les dépenses annuelles du
gouvernement fédéral augmentèrent
régulièrement et sa situation financière se
détériora, passant d'un excédent à un
déficit. L'inflation à deux chiffres, le chômage et le
ralentissement de la croissance économique exercèrent des
pressions sur le système de sécurité sociale du pays
au moment même où la capacité de réagir du
gouvernement était minée par l'augmentation des coûts
et la baisse des recettes.
De nombreuses initiatives entreprises au sujet des programmes de
pension au cours de cette période consistèrent
principalement à compenser les effets de l'inflation sur les
revenus des personnes âgées, ainsi qu'à cibler les
groupes les plus menacés par la pauvreté, comme les femmes
âgées célibataires, les travailleurs à faible
revenu, et les personnes handicapées. Des réformes furent
également apportées afin de promouvoir
l'égalité et l'intégration que demandaient des
groupes comme les femmes et les Autochtones, lesquels étaient
marginalisés par les dispositions en vigueur. Dans l'ensemble,
l'objectif consistait à atteindre l'égalité de revenu
parmi les Canadiens âgés.
Les efforts en vue de lutter contre la pauvreté et l'inflation
se concrétisèrent dans le Programme de la
sécurité de la vieillesse, lorsque le Supplément de
revenu garanti « temporaire » devint permanent. Une Allocation
au conjoint et une Allocation au conjoint pour veufs et veuves, toutes
deux fondées sur le revenu, furent ajoutées à
l'intention des couples et des personnes approchant de l'âge de la
retraite. Un meilleur système de protection contre l'inflation fut
mis en place. À compter de 1973, les prestations furent
indexées sur une base trimestrielle au lieu d'une base annuelle et
l'indexation se faisait en fonction de l'indice des prix à la
consommation.
En 1977, des prestations partielles de la Sécurité de la
vieillesse furent mises à la disposition des personnes qui ne
pouvaient pas remplir les conditions intégrales de
résidence, à condition d'avoir vécu un minimum de 10
ans au Canada, ou de 20 ans, si elles vivaient à l'étranger.
En outre, le Canada s'arrogea le pouvoir de conclure des accords
internationaux de sécurité sociale, afin d'offrir une
protection et la possibilité de transfert des pensions aux
migrants.
Les facteurs suivants : le programme contributif fondé sur le
revenu entré en vigueur en 1966 pour former le deuxième
palier du système de revenu de retraite du gouvernement,
l'inflation plus élevée que prévu ainsi que les
augmentations salariales, amenèrent le Régime de pensions du
Canada à adopter une nouvelle formule de calcul du « maximum
des gains annuels ouvrant droit à pension ». Il s'agissait
des gains maximums que pouvait verser un travailleur comme cotisation au
Régime de pensions du Canada. La nouvelle formule ajustait
progressivement à la hausse le montant jusqu'à ce qu'il
produise des prestations de retraite qui tiennent compte plus
fidèlement des taux salariaux véritables dans
l'industrie.
Les réformes apportées au Régime de pensions du
Canada ont également avantagé les familles et aidé
les femmes à acquérir une plus grande indépendance
financière. La disposition de partage des crédits entra en
vigueur en 1978. Elle permet de partager à parts égales les
crédits du Régime de pensions du Canada gagnés au
cours d'un mariage à la séparation d'un couple. En outre,
une clause d'exclusion pour élever des enfants fut introduite; elle
permettrait aux parents de rester à domicile pour s'occuper de
leurs enfants en bas âge sans que ces périodes de faible
rémunération ne les pénalisent. Cette dernière
disposition n'entra en vigueur qu'en 1983 après avoir
été ratifiée par les provinces, mais son application
fut rétroactive à 1978.
En 1987, le gouvernement conservateur fédéral de Brian
Mulroney et les gouvernements provinciaux convinrent d'apporter des
réformes majeures au Régime de
pensions du Canada, notamment :
- la retraite flexible entre 60 et 70 ans. La prestation de pension
était réduite pour chaque mois pendant lequel elle
était prise avant l'âge de 65 ans, et augmenté pour
chaque mois après l'âge de 65 ans;
- l'augmentation de la protection en cas d'invalidité grâce
à un relèvement du taux fixe de 91,06 $ à 242,95 $.
Le taux fixe est une des deux composantes de la pension
d'invalidité. L'autre composante se fonde sur les gains d'une
personne;
- l'augmentation des cotisations au Régime de pensions du Canada
sur une période de 25 ans. Cette augmentation devait être
examinée tous les cinq ans par les gouvernements
fédéral et provinciaux;
- le partage des pensions de retraite entre conjoints;
- la poursuite du versement des prestations de survivant en cas de
remariage du conjoint veuf; et
- l'admissibilité entière des Indiens de fait au
Régime de pensions du Canada.
Il y eut également un engagement nouveau à l'égard
de l'égalité des sexes, qui apporta des changements positifs
tant pour les hommes que pour les femmes. À compter de 1975, les
veufs devinrent admissibles aux mêmes prestations que les veuves
recevaient depuis l'entrée en vigueur du Régime. Les unions
de fait furent redéfinies et entièrement reconnues en
1987.
À la fin de cette période, la viabilité
financière du système de pensions gouvernementales du Canada
devint une grande préoccupation alors que la population des
personnes âgées canadiennes continuait à
croître. En 1989, le gouvernement réduisit les prestations de
pension de la Sécurité de la vieillesse versées aux
personnes à revenu élevé en instituant ce que l'on a
appelé la « récupération fiscale ». En
outre, les taux de cotisation au Régime de pensions du Canada
furent changés afin de protéger la viabilité à
long terme du fonds qui versait les prestations.
L'économie canadienne s'était améliorée
à la fin des années 80, mais des problèmes
demeuraient, notamment l'accroissement de la dette nationale. Les
préoccupations au sujet de la viabilité du système de
revenu de retraite du pays persistèrent au cours de la
décennie suivante.